Textes créés in vivo lors de
la Journée Annuelle des Psychologues
portant sur le thème de l’Incertitude.
Grenoble le 20 mai 2022
Au fil de mon écoute flottante des différents intervenants d’un colloque, les bribes de phrases, saisies de ci de là, se tissent en textes poétiques, malgré moi et dans l’incertitude de ce qui surgira de cet agencement improbable. J’ose partager à chaud, sitôt l’intervention finie, comme en hommage à l’intervenant, espérant qu’il ne sente pas trahi par la liberté que s’autorisent les mots qui me traversent.
Myriam Germain
Introduction de Anne Jambrésic
Turbulés par la crise
Les instituts vacillent.
Alors nous sortîmes de la caverne
Pour affronter le cruel des séparations
Et s’en sortir sans sortir.
Bion ouvre à la « capacité négative »
Poésie du mystère au-delà de toute raison ;
Le psy s’invente un refuge, se laissant suspendre
Se laissant surprendre,
Tel l’acrobate s’accrochant à la foi ;
En l’autre, en la vie, en soi, en nos pratiques.
Qui est le plus patient, de soi ou de l’autre ?
« Tant qu’on est mortels, on ne peut pas vraiment être tranquilles », conclut Woody.
Elodie Camier-Lemoine
En éthique et cinéthique
Face à l’incertitude
Coroller les mers et gences
Faire plus, more and more
Rassuré par la science.
Eh ! Take care ! Care, une notion,
Que dis-je ? Une philosophie !
L’équipe éthique du Care a peur des peurs
De ceux qui veulent médicaliser
La gestation et la passion.
Quelle place à l’incertitude ?
J’en sais rien
Quelle place à l’autre ?
J’donne ma langue au chagrin.
Des hics en tics et pistémiques
Surgit essentiellement le sens
Du soin, à distance ou en présence ;
Quid du sixième sens,
Face au savoir en compétences
D’un soin aux accents incertains
Reçus sans sens par le patient ?
Brandir la connaissance de l’ipséité ?
Se laisser à une co-naissance en altérité ?
Alors, place ! Place aux pourquois sans réponses
Place ! Place au singulier du mystère renouvelé
Place ! Place, à chacun qui il est.
Eh ! Y’a quelqu’un ? Y’a quelqu’un ?………..
J’suis tout seul ?
Anna Kata-Christophe et Marie-Thérèse Morat
Et, pendant ce temps…
A la clinique, dans un no man’s land du savoir
Une plate et forme au téléphone
Reçoit l’étrange, même les urgences ;
Accueillir l’incertitude, et réduire l’activité
Ouvre des chemins de traverse
En proximité, en humanité, en créations, en liens,
Hors du draconien inhumain.
L’autoritarisme reviendra en force
Intrusant cet environnement apaisé, sécurisant.
La science, l’industrie triomphent en effraction
Et tandis que l’institution fait silence
Les écrans font remparts.
Où est passée la douce incertitude
Dans nos services malmenés ?
Axelle Mars
Ligne de crête où vaciller
A l’orée de la chute
Le désordre des choses
Nous rappelle à l’ordre.
Nos prêts-à-pratiquer deviennent obsolètes ;
Confiné, notre corps se rassemble
Sans l’autre.
Les pro-tocoles et cédures
Dans leur course folle au contrôle
Brident le vertige vivant du risque.
Alors, vite, se tromper. Se tromper encore. Se tromper mieux.
Traversant le brouillard, en émerger,
Peut-être un peu grandi.
De quoi parle ce besoin malade de certitudes ?
Et si vivre l’incertitude devenait critère de santé ?
TDH, HPI et TOC, TSA, TSA
Tais le Ça !
Il est dangereux le Ça, dit Freud,
Car, « là où était du Ça, doit advenir du Moi ».
Se tenant en creux,
Le psychologue ne tranche pas
On lui reprochera
Sa parole reste ouverte
Se propos sans garanties
Il est là. Se laissant éprouver
Au bord de l’autre éprouvé par la vie
Ou de celui à l’heure du grand voyage.
Se laisser atteindre en métissage,
Se laisser toucher, et choisir d’embarquer !
Ouvrons l’accès à l’inconscient
Le sien, le mien, celui qui se tisse entre lui et moi
Par la grâce des éprouvés primitifs
Hors perspective moniste du conscient.
Alors, l’instabilité tectonique pourrait bien provoquer
Le déplacement, celui qui dénoue et permet.
Il nous revient de suspendre méthodiquement ce que l’on croit savoir
En apprenant à ne pas comprendre,
A surtout ne pas être au rendez-vous du supposé répondant.
Biffons les interprétations bou-chons, ou bi-dons, ou bon-bons
Cultivons les bi-donnantes
Quand jaillit le rire partagé entre psys
Et avec nos patients !