CPCI, bricolage de survie ?

 Le Collège des Psychologues Cliniciens de l’Isère

Un bricolage de survie ?

Créé en 2004, le Collège des Psychologues Cliniciens de l’Isère, association loi 1901, réunit des psychologues qui souhaitent soutenir une dynamique de pensée à partir des problématiques rencontrées dans leurs exercices professionnels.

Pourquoi s’instituer ?

Ce fut pour nous une manière de défendre une possibilité de penser face aux déploiements de dispositifs d’emprise qui viennent attaquer les représentations qui nous soutiennent dans notre fonction clinique (le primat de l’opérationnel, l’intrusion de la technique dans l’écoute, la logique du résultat … etc).

Afin de ne pas sombrer dans la défaite mélancolique ou dans la nostalgie qui nous arrimerait à un fétiche, l’organisation collective constitue le meilleur moyen de résister en permettant l’édification d’un espace tiers. Espace tiers indispensable au processus de dégagements qui nous tiennent à l’écart d’une modélisation de la pensée. Pensée aujourd’hui souvent aveuglée par l’idéologie de la transparence, de l’évaluation, de la rentabilité … S’instituer pour que continuent d’exister, par notre engagement, des ateliers du possible où s’élaborent des bricolages comme autant d’antidotes à une anesthésie de la pensée qui nous saisirait sans coup férir une fois évacuée toute notion de conflictualité psychique.

Ne sommes-nous pas déjà soumis au lancinant impératif de devoir positiver sans cesse ?

D’où s’origine cette création ?

En intra-hospitalier, depuis plus de vingt-cinq ans, le collège des psychologues se réunit régulièrement une fois par mois de janvier à juin et de septembre à décembre. Il regroupe la plupart des psychologues cliniciens du centre hospitalier auxquels se joignent, trois fois l’an, des praticiens d’autres établissements de soin, tel le Centre hospitalier universitaire de Grenoble, la clinique Georges Dumas, le centre médico-universitaire Daniel Douady, l’hôpital sud de Echirolles … (collège élargi).

Il s’organise chaque année une journée de réflexions centrée sur les questionnements mis à jour par les pratiques des psychologues et sur les incidences institutionnelles qui en découlent.

Le collège des psychologues du centre hospitalier de Saint-Egrève, le collège élargi, le Collège des Psychologues Cliniciens de l’Isère représentent des emboîtements aux fonctions d’étayages.

La création du C.P.C.I.

Elle est consécutive notamment à la publication d’une lettre ouverte aux soignants et au projet de fédération française des psychologues et de psychologie. Cette lettre est le fruit de la rencontre de professionnels de l’établissement – sociologues et psychologues – qui partagent le même souci relatif à la nécessité de continuer à penser le soin dans une période de turbulences institutionnelles.

L’hôpital est en crise, dit-on. C’est la discorde au niveau des instances chargées de la direction et de l’organisation des services. Et cependant nous constatons que les hommes de terrain, cliniciens, multidisciplinaires de la psychiatrie, poursuivent leur tâche de soignants.

Malgré la dépression induite par l’absence de projet, l’absence de cohérence, par une confusion entre les objectifs cliniques et les objectifs comptables, le personnel dans toutes ses composantes, a su maintenir une certaine qualité des soins. Cela tient, à notre avis, à ce qui fait la nature spécifique d’un soignant en psychiatrie.

Un hôpital comme le nôtre, c’est une somme étonnante de talents divers. Les compétences acquises après les formations initiales expliquent la grande richesse et la grande diversité des techniques de soin proposées aux patients.

Un hôpital comme le nôtre, c’est la force prise par chacun dans le travail en équipe pluridisciplinaire. Voilà ce qui nous différencie essentiellement des cliniciens du privé et caractérise le service public.

Un hôpital comme le nôtre, c’est l’attachement à une philosophie, à une éthique, à une vocation spécifique à la psychiatrie qui ne peut se réduire à une perspective médicale ou économique. La démarche soignante spécifique à la psychiatrie, dans la pluridisciplinarité de ces fonctions, est fondamentalement définie par la rencontre. Chaque clinicien en soins psychiatriques est quelqu’un qui s’engage personnellement, avec ses compétences mais aussi avec ce qu’il est, dans l’accompagnement d’une autre personne, enfant ou adulte, demandeurs d’aides.

Ce « souci de l’autre » est également préoccupation de la place qu’il tient ou devra retrouver dans le champ social.

C’est dire que le soin en psychiatrie ne peut se réduire à une seule protocolisation sans se pervertir et perdre sa substance. Ces effets sont forcément incertains car il respecte la liberté d’être du patient et ses « choix » morbides inconscients.

Le soin en psychiatrie engage le soignant car cette rencontre, pour être efficacement soignante, implique qu’il réagisse émotionnellement, affectivement et intellectuellement au patient, à son angoisse, à sa morbidité, à son vécu d’homme souffrant. Cela oblige à une élaboration continue, en équipe sur le cadre même qui sous-tend et protège cette relation soignante. Cette réflexion est nécessaire, elle fait partie intégrante du soin. Nous savons bien que plus la pathologie est grave, plus le soin a lieu dans « la tête des soignants », c’est-à-dire dans leurs échanges réflexifs en équipe au sujet du patient.

Mais aujourd’hui les impératifs budgétaires rendent plus vive la conquête de bouts de territoire, de fiefs et de départements. Conquête qui retient l’essentiel de l’attention des responsables médicaux ; leur souci de fournir aux équipes les bonnes conditions de fonctionnement, indispensable à la qualité des soins à laquelle ils participent, n’apparaît plus suffisamment au sein des services.

Depuis deux ans, nous constatons, dans l’institution, comme un arrêt sur image en raison des conflits, des rebondissements, dessaisissements, autour du projet collectif de soin pour l’avenir de l’établissement (projet médical), péripéties institutionnelles qui, au mieux, nous font mourir d’ennui, au pire nous font honte devant ce gros ratage, cette incapacité collective à réguler nos propres conflits. Une incapacité suffisamment publique et connue aujourd’hui pour entraîner la survenue d’observateurs missionnés par les instances ministérielles pour désenclaver le conflit …, pour permettre la reprise de la co-existence.

Le conflit ? En fait de quel conflit s’agit-il ? De visions d’avenir, de modalité d’organisation des soins, de conflits de personnes, de territoires, d’intérêts … D’où un sentiment mêlé, c’est-à-dire de l’ennui et de la honte sans doute, mais en même temps l’impression que tout ceci relève d’une grande normalité sinon banalité. Chacun sait en effet que les conflits, les tensions font partie de la vie normale de toute organisation où coexistent en permanence accords et désaccords qui ne conduisent au chaos que lorsqu’ils sont « ab-sens », c’est-à-dire sans sens.

Une organisation professionnelle qui ne parvient pas à arrêter une vision suffisamment claire et consensuelle de son avenir, n’est plus un système qui porte ses membres mais qui peut être contre-productif à leur égard. Or paradoxalement, pendant ces deux années, les soignants relevant du centre hospitalier ont continué à travailler, à accomplir des actes soignants comptabilisables ou non (des entrées, des sorties, des traitements médicamenteux, des mises en commun ou en isolement…). Les listes d’attente de consultations ne se sont pas désemplies sans que l’on puisse préjuger de l’impact de ce blocage sur les professionnels, sur les soins dispensés ou sur les patients.

Déminer, pacifier le terrain, reformuler un projet médical qui ait un sens partageable, exige de considérer les progrès humains et professionnels qui habitent chacun des soignants. Il paraît en effet difficile qu’un projet de soin collectif et engageant l’avenir, n’appelle pas l’adhésion du plus grand nombre et ne s’appuie pas sur un processus collectif de création et de négociation, seul gage de sa légitimité. Au coeur de ces turbulences institutionnelles, dramatisées par certains, banalisées par d’autres, il nous faut dégager un chemin qui nous permette de prendre soin de notre institution afin de soutenir une réelle cohérence du travail clinique. Une véritable information de tous les personnels sur son état actuel est indispensable à toute élaboration ultérieure.

Partager avec vous ces réflexions témoigne de notre exigence à l’égard d’une démarche collective où chacun assume sa part de co-responsabilité.

Madeleine Monceau                                             Jean-Louis Beratto

A l’occasion de la diffusion de cette lettre « ouverte », le directeur de l’hôpital, à notre demande nous a réuni. M. Monceau et moi-même en présence des directeurs adjoints de l’établissement afin d’apprécier la pertinence de notre démarche.

Il s’agissait pour nous de contribuer à l’élaboration du projet d’établissement en faisant entendre la voix des psychologues dans le champ institutionnel où se réalise leur pratique clinique.

Le Directeur a insisté alors sur la « vacuité » de la place de secrétaire de collège des psychologues précisant qu’il acceptait de me recevoir à titre individuel soulignant que je ne représentais personne d’autre que moi-même. Une reconnaissance impossible…

Parallèlement se posait la question de l’adhésion à la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie.

Ainsi le C.P.C.I., collège des psychologues cliniciens de l’Isère, constitue un étayage externe à notre identité professionnelle et par-là rend possible une dynamique du provisoire qui nous soutient dans nos investissements.

Et comme vivre implique toujours une lutte pour la reconnaissance, nous devons y apporter notre contribution.

Buts du C.P.C.I.

– informer les patients et leurs familles de la démarche de soin du psychologue, de ses moyens et de ses méthodes,

– informer les professionnels des fonctions et rôles du psychologue,

– regrouper les psychologues en vue d’un échange d’information et d’une confrontation des pratiques

– développer la réflexion sur les activités, la formation initiale et continue des psychologues, et favoriser tous les travaux de recherche relatifs à la psychologie clinique,

– défendre la profession et les principes éthiques.

A cet effet elle propose :

– des temps de regroupements et d’échanges entre collègues,

– des conférences ouvertes au grand public,

– des collaborations avec l’université,

– des partenariats divers dans le cadre de colloques (mairies, comité local de santé mentale …).