Ouverture JAP 2022

OUVERTURE JAP 2022

par Anne JAMBRESIC, présidente du CPCI

Comme vous vous en doutez, les membres du Comité d’organisation de cette journée sont heureux, ravis de vous accueillir à nouveau après deux ans et demi d’absence. Il fut long le temps entre cette Journée et la précédente. Temps de doute, d’espoir, d’incertitude, mêlé à une réalité sanitaire puis géopolitique qui vint nous ébranler dans nos vies, dans nos pratiques. Peut-être un jour pourrons-nous dire : « cela nous fut bénéfique », même s’il est vrai que les difficultés géopolitiques que nous traversons actuellement ne nous permettent pas de l’affirmer. Les institutions de soins continuent à vaciller : manque de personnel, manque de temps pour penser, manque de temps pour élaborer à plusieurs nos pratiques plurielles.

Néanmoins dans le cadre de nos pratiques de psychologues, psychothérapeutes, en institution et en libéral, nous sortîmes de la caverne, de nos habitudes pour inventer de nouveaux cadres de travail. Ce qui s’est imposé à nous a été une modification du cadre avec une prescription venant de l’extérieur : Suspendre les séances ? Porter un masque ? Utiliser un ordinateur ? Mettre un écran entre nous et le patient ? Dire de nous si nous sommes vaccinés, si des personnes de notre entourage sont malades ? Incertitude dans nos pratiques donc. Incertitude pour nos patients.

La crise que nous avons traversée nous a amené à aménager, en puisant dans notre fond originel, créativité et peut-être fantaisie, pour inventer des manières de rester en lien avec nos patients, partageant avec eux cette épreuve cruelle de ce qui fut bien une expérience de séparation, ressentie pour certains comme traumatique car privés de ce temps si précieux de préparation psychique.

L’épreuve pour la première fois ne touchait pas uniquement nos patients. Nous étions touchés de la même façon, au même niveau : privés de sortir, privés des autres, obligés à porter un masque, etc … En outre, nous ne disposions pas d’antériorité par rapport à cet événement, cela ne nous était jamais arrivé, à nous, à nos patients, aux différentes générations en place. Comment imaginer s’en sortir sans sortir ? Nous étions dans le noir de la planète.

L’incertitude se vivait à l’échelle de la planète : il n’y avait plus de différences nord / sud. Nous avons alors vu les continents touchés les uns après les autres dans une défaite inexorable face au virus et à sa propagation.

L’incertitude ou la capacité négative :

La capacité négative est un concept développé par Wilfred BION. Il s’agit de cette capacité du psychothérapeute d’être dans le mystère et le doute, d’accueillir le nouveau sans l’anticiper. Axelle Mars nous parlera, me semble-t’il, de la capacité négative lors de son intervention. Je trouve pour ma part admirable que Bion soit allé chercher/trouver/ créer auprès d’un poète ce concept. Cela me ravit. Le poète britannique John KEATS, 1795-1821, disait : « l’incertitude est celle de l’homme quand il est capable de se trouver un milieu d’incertitudes (avec un S), de Mystères (avec un M majuscule), de doutes, sans irritation impatiente de parvenir à un fait et à la raison ». Bion annonce : « Keats découvrit un « principe d’incertitude » qu’il appela capacité négative ».

Jacquelyne Poulain-Colombier dans un petit texte intitulé « Lire Bion avec Keats » insiste que le positionnement du psychothérapeute : « L’instrument de l’analyse est une attitude de doute philosophique car c’est sur lui que se construit l’analyse. Il est primordial de conserver ce doute. En tant qu’analyste, dit Bion, j’étais appelé à garder un esprit ouvert, tout en ayant le sentiment d’être constamment sollicité (à commencer par moi-même) à trouver refuge dans une certitude ».

Autrement dit, pour le psychanalyste qui doit entrer en contact avec les faits psychanalytiques, accéder à la capacité négative ne relève pas d’un exercice intellectuel, ce n’est pas une technique du non-savoir. La capacité négative pour le psychanalyste en séance – et je souligne en séance – c’est résister à la tentation de s’accrocher à ce qu’il sait, supporter d’attendre tout en faisant face à « l’épouvante » que le travail de la curiosité peut provoquer en lui, « payer le prix » et, pas une fois, à chaque fois.1

C’est se laisser suspendre. Un travail d’acrobate sans cesse renouvelé, tel le funambule sur son fil.

C’est le principe même de l’activité des psychologues et psychothérapeutes dont l’acte de foi se situe dans la possibilité de la croissance psychique. Nous croyons en la possibilité de la croissance psychique.

Sans savoir où nos patients vont nous mener. Pour ma part, je suis toujours quelque peu sidérée, surprise des chemins qu’ont parcourus mes patients, histoires de vie tourmentées que l’on n’aurait pu imaginer, surprise de la singularité de chaque histoire. Surprise de la complexité de l’âme humaine. Il n’existe pas de programme défini et sûr pour répondre à cette demande qui nous est adressée, pour répondre à cette souffrance qui cherche à se transformer. Nous ne saurons jamais à l’avance ce que nous allons répondre à nos patients. Enigme de la maladie, de la souffrance psychique, énigme du chemin psychothérapeutique. Comme il est également intéressant de recevoir dans nos cabinets des patients qui ne nous ressemblent pas.

« Doing the best of a bad job », disait encore Bion. Phrase difficilement traduisible car comme souvent l’anglais vient dire plus que des mots. Faire du mieux possible à partir d’un boulot difficile.

Expérience de l’incertitude, ou / et expérience de la patience. Patience qui nous a éprouvés ces deux dernières années. Au-delà de cette crise sanitaire, Qui du thérapeute ou du patient est le plus patient ?

Incertitude et angoisse ? Anxiété et angoisse montrent notre intolérance à l’incertitude. Après avoir cité le poète John Keats, il me plait de terminer l’introduction à notre Journée de travail tant attendue par une des boutades de Woody Allen :

« Tant que l’homme sera mortel, il ne pourra pas être vraiment tranquille »

Je remercie dès à présent les différents intervenants contribuant à la réussite de cette journée. Bonne journée à toutes et tous.

Anne JAMBRESIC

1 Jacquelyne Poulain-Colombier « Lire Bion avec Keats », De la « capacité négative », comme « principe d’incertitude », Cairn. Erès – Le Coq-héron, 2014/1 n° 216 – pages 114 à 116

Texte poétique par Myriam Germain

Textes créés in vivo lors de

la Journée Annuelle des Psychologues

portant sur le thème de l’Incertitude.

Grenoble le 20 mai 2022

Au fil de mon écoute flottante des différents intervenants d’un colloque, les bribes de phrases, saisies de ci de là, se tissent en textes poétiques, malgré moi et dans l’incertitude de ce qui surgira de cet agencement improbable. J’ose partager à chaud, sitôt l’intervention finie, comme en hommage à l’intervenant, espérant qu’il ne sente pas trahi par la liberté que s’autorisent les mots qui me traversent.

Myriam Germain

Introduction de Anne Jambrésic

Turbulés par la crise

Les instituts vacillent.

Alors nous sortîmes de la caverne

Pour affronter le cruel des séparations

Et s’en sortir sans sortir.

Bion ouvre à la « capacité négative »

Poésie du mystère au-delà de toute raison ;

Le psy s’invente un refuge, se laissant suspendre

Se laissant surprendre,

Tel l’acrobate s’accrochant à la foi ;

En l’autre, en la vie, en soi, en nos pratiques.

Qui est le plus patient, de soi ou de l’autre ?

« Tant qu’on est mortels, on ne peut pas vraiment être tranquilles », conclut Woody.

Elodie Camier-Lemoine

En éthique et cinéthique

Face à l’incertitude

Coroller les mers et gences

Faire plus, more and more

Rassuré par la science.

Eh ! Take care ! Care, une notion,

Que dis-je ? Une philosophie !

L’équipe éthique du Care a peur des peurs

De ceux qui veulent médicaliser

La gestation et la passion.

Quelle place à l’incertitude ?

J’en sais rien

Quelle place à l’autre ?

J’donne ma langue au chagrin.

Des hics en tics et pistémiques

Surgit essentiellement le sens

Du soin, à distance ou en présence ;

Quid du sixième sens,

Face au savoir en compétences

D’un soin aux accents incertains

Reçus sans sens par le patient ?

Brandir la connaissance de l’ipséité ?

Se laisser à une co-naissance en altérité ?

Alors, place ! Place aux pourquois sans réponses

Place ! Place au singulier du mystère renouvelé

Place ! Place, à chacun qui il est.

Eh ! Y’a quelqu’un ? Y’a quelqu’un ?………..

J’suis tout seul ?

Anna Kata-Christophe et Marie-Thérèse Morat

Et, pendant ce temps…

A la clinique, dans un no man’s land du savoir

Une plate et forme au téléphone

Reçoit l’étrange, même les urgences ;

Accueillir l’incertitude, et réduire l’activité

Ouvre des chemins de traverse

En proximité, en humanité, en créations, en liens,

Hors du draconien inhumain.

L’autoritarisme reviendra en force

Intrusant cet environnement apaisé, sécurisant.

La science, l’industrie triomphent en effraction

Et tandis que l’institution fait silence

Les écrans font remparts.

Où est passée la douce incertitude

Dans nos services malmenés ?

Axelle Mars

Ligne de crête où vaciller

A l’orée de la chute

Le désordre des choses

Nous rappelle à l’ordre.

Nos prêts-à-pratiquer deviennent obsolètes ;

Confiné, notre corps se rassemble

Sans l’autre.

Les pro-tocoles et cédures

Dans leur course folle au contrôle

Brident le vertige vivant du risque.

Alors, vite, se tromper. Se tromper encore. Se tromper mieux.

Traversant le brouillard, en émerger,

Peut-être un peu grandi.

De quoi parle ce besoin malade de certitudes ?

Et si vivre l’incertitude devenait critère de santé ?

TDH, HPI et TOC, TSA, TSA

Tais le Ça !

Il est dangereux le Ça, dit Freud,

Car, « là où était du Ça, doit advenir du Moi ».

Se tenant en creux,

Le psychologue ne tranche pas

On lui reprochera

Sa parole reste ouverte

Se propos sans garanties

Il est là. Se laissant éprouver

Au bord de l’autre éprouvé par la vie

Ou de celui à l’heure du grand voyage.

Se laisser atteindre en métissage,

Se laisser toucher, et choisir d’embarquer !

Ouvrons l’accès à l’inconscient

Le sien, le mien, celui qui se tisse entre lui et moi

Par la grâce des éprouvés primitifs

Hors perspective moniste du conscient.

Alors, l’instabilité tectonique pourrait bien provoquer

Le déplacement, celui qui dénoue et permet.

Il nous revient de suspendre méthodiquement ce que l’on croit savoir

En apprenant à ne pas comprendre,

A surtout ne pas être au rendez-vous du supposé répondant.

Biffons les interprétations bou-chons, ou bi-dons, ou bon-bons

Cultivons les bi-donnantes

Quand jaillit le rire partagé entre psys

Et avec nos patients !

Au Principe, l’incertitude – par Myriam Germain

Au Principe, l’incertitude
par Myriam GERMAIN
Lors de la Journée Annuelle des Psychologues de 2022

Introduction

  • (Ambition de la majuscule à) Principe dans le titre : renvoi à la Genèse, comme si un Principe créateur avait inscrit l’incertitude dans les fondements de la vie d’un être humain ; on pourrait ajouter aux dix commandements : « tu ne pourras percer le secret de la mort (ni la date ni l’heure de la tienne) ; tu ignoreras ce qui t’attend dans ton parcours de vie ; tu devras t’adapter à ce que tu auras à vivre ; tu toucheras du doigt les limites de la volonté propre » etc…
  • Claire Marin, philosophe (Vivre autrement, juin 21, edition le Monde, collection l’Aube) dit que la rupture s’expérimente désormais sur tous les plans de l’existence. « Il y a peu de domaines stables, solides, sur lesquels nous pouvons compter avec certitude ».

« D’ailleurs, au moment où je vous parle, la terre pourrait bien se déchirer sous nos pieds… »

Et pourvu que je tienne la route le temps de l’intervention, que les mots viennent à mon insu malgré moi et puissent-ils parler en eux-mêmes…

Questionnement : L’incertitude comme cadeau ? Se libérer des savoirs/certitudes/croyances que l’on a prises pour la réalité et qui empêchent ? Sortir de l’illusion terrifiante d’un contrôle que nous aurions sur les choses, avec la culpabilité à la clé…

Incertitude en tant qu’être humain faisant partie de l’histoire de l’Humanité

  • Oubli de cette dimension par les politiques quand ils sont confrontés à un inquiétant Non Savoir, et renvoyés à leur impuissance par rapport à tout ce qui échappe (pandémie). Oubli de cette dimension par les sociétés dites modernes qui voudraient tellement tenir éloignée la mort et qui se nourrissent de peurs.
  • Chacun croit savoir, le scientifique sait ce qu’il ne sait pas. Etienne Klein (physicien ; les tracts de Gallimard) « croire savoir alors même qu’on sait ne pas savoir, telle me semble être devenue la véritable pathologie du savoir ». Ce qu’on croit savoir peut devenir certitude illusoire et rassurante. Les réseaux sociaux participent à cet autre statut du savoir.
  • Il est vrai également qu’on peut dire tout et son contraire et que les deux versions peuvent être tout aussi vraies. Ce qui est vrai un jour peut ne plus l’être le lendemain, ce qui est vrai pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre (et quelle bonne nouvelle !…)

Incertitude en tant que personne singulière engagée dans un parcours propre et singulier

  • Il y a tout ce qui nous échappe dans nos engagements/choix/orientations de vie… le puzzle qui se forme après coup, nos choix s’éclairent a posteriori… (comprendre pourquoi avoir pris telle décision après coup, les choses prennent souvent leur cohérence à notre insu)
  • Nous sommes complexes ; on peut aimer et ne pas aimer dans le même temps (cela peut être vécu comme un paradoxe et non une contradiction générant du conflit intérieur)
  • Ce qui peut faire boussole deviendrait « le vrai pour soi à un moment donné », ce qui suppose d’écouter – le corps, ce que ça dit dedans ; le corps, lui, il sait –

Incertitude en tant que professionnelle de la psychanalyse

  • La part de l’autre, ce qui nous échappe dans la rencontre, la place de l’Inconscient, de ce qui se joue pour l’un, pour l’autre, dans l’interaction (à quel « endroit » l’autre ou la relation avec l’autre, vient-il me chercher, à mon insu ?)
  • Bien sûr, les praticiens que nous sommes travaillons avec quelques fondements, ou repères de Posture, l’Ecoute (« attention flottante » freudienne1) de l’autre dans ce qu’il dit et plus encore ce qu’il ne dit pas, pour qu’il puisse s’entendre dire – ou s’entendre ne pas dire.
  • Le principe d’incertitude permet de : Se laisser soi-même, en tant que psychanalyste, en Entendre quelque chose, et peut-être proposer ces mots qui nous traversent et qui pourraient parler, car ces mots avant tout s’éprouvent dans cet imprévisible lien d’inconscient à inconscient.

L’incertitude dans l’exercice de la psychanalyse

L’incertitude ne saurait se vivre sans quelques fondements, ou repères, qui offrent une certaine « garantie » de pouvoir être à l’autre un temps donné, à une place donnée.

Repères de posture

  • « Recevoir », « accueillir », être à l’autre, sans attente ni préjugés ni a priori, « accueillir » sa parole, son silence, sa  vibration (ce qui émane de lui de non visible, non repérable dans l’instant) et tenir sa propre place le temps de la séance, avec la légitimité que l’on s’accorde, « prêtant » à l’autre son image, ce qu’il perçoit de soi et dont il fait un support transférentiel (moyennant le paiement de tout ce travail qui « vaut ».) Se laisser touché, sans se laisser embarquer.

Je ressens plus que jamais – en accord avec ce que pouvait en dire et en écrire Joyce Mac Dougall – l’engagement de mon corps dans le travail analytique, tout autant que l’engagement du corps de l’autre, qu’il soit assis en face à face ou sur un divan, que nous soyons statiques ou qu’il s’autorise (et je l’y invite parfois, selon) à bouger, déambuler, s’assoir par terre, passer du divan au fauteuil…) D’ailleurs, j’ai la chance de frissonner qd l’autre dit vraisemblablement quelque chose qui lui parle, indicateur pour tenter d’en entendre quelque chose ; j’éprouve physiquement le serrement de son angoisse dans ma poitrine, le vertige ou la peur qu’il évoque ressentir… Prêterais-je mon corps à l’espace/temps du travail ?

  • Au-delà d’une fatigue éventuelle qui peut se ressentir lors de longues journées, ou liée au sentiment que l’autre dit et redit en boucle de mêmes propos depuis des semaines, il suffit que quelque chose me touche chez lui à un moment imprévisible, une façon de s’assoir, un geste, une mimique, une intonation, pour que je devienne inconditionnellement présente à lui et à sa parole, ou à ce qui semble se jouer au-delà, ou en deça, de sa parole…

Puissè-je rester touchée jusqu’à la fin de mes jours par ce que vit l’autre, sans pour autant me laisser embarquer, tenant ma place en point d’appui, le rôle de « garante », dans une bienveillance exigeante, qui pourrait lui permettre d’ »explorer » en « sécurité ».

Repères des connaissances :

Les savoirs dans le Non Savoir (écouter sans savoir)

La théorie peut devenir repère dans la pratique si les connaissances/savoirs (nécessairement datés, contextualisés) sont intégrés, digérés, remaniés par l’expérience, les liens entre notions et auteurs…

  • Repère de méthode : l’écoute flottante (écouter sans savoir)

Choisir de s’embarquer avec l’autre (sans se sentir embarqué au risque de perdre pied) sans savoir où il nous emmène (ex de la narration d’un rêve, traversée d’un nuage, image proposée par Philippe Porret, psychanalyste, auteur)

  • L’expérience, quand ça parle et ça agit en direct, – d’inconscient à inconscient ? -, sans le sas réducteur de la compréhension, de l’explication, voire de l’interprétation (Mark Rothko, Rêver de ne pas être » de Stéphane Lambert, édition Arléa, 2018 : Stéphane Lambert s’adresse à Mark Rothko page 35)

Ce qui supposerait d’éprouver autant que faire se peut, libéré – y compris en expérience éphémère – de nos empêchements, de nos filtres, de nos peurs, de nos jugements… Cette peur de l’étrangeté, du vide, de l’opaque…

Me laisser traverser, m’oublier en quelque sorte tout en me sentant suffisamment ancrée au sol et ouvert aux possibles ; mettre l’égo de côté avec sa part de doute sur ma propre valeur, ma propre compétence, la légitimité de mes propos mais aussi laisser de côté le jugement qui empêche, le vouloir pour l’autre, le savoir pour l’autre, le penser pour l’autre. Ecouter pour avoir une chance d’entendre, regarder pour avoir une chance de voir, ressentir pour avoir une chance d’éprouver…

Repères d’intervention : Se laisser dire…

  • Parfois, se laisser dire quand ça parle en nous et qu’on se surprend (presque) soi-même de ces mots qui se forment et qui empruntent notre voix, (quasi) à notre insu. Ces mêmes mots qui, parfois, à ce que paraît en éprouver l’autre dans l’instant, semblent parler le vrai pour lui. L’autre reprend alors avec ses mots, parfois il pleure, ou se défend (ce n’était peut-être pas le moment d’une interprétation). Parfois, il semble se « défaire » quand il y a des mots, des images qui surgissent en lui, qui agissent en direct. Parfois encore, si l’autre entend, selon, par la puissance du mot qu’il reprend, du mot qu’il choisit, ce mot qui nomme, ou l’accueil d’une image qui lui est associé, alors, parfois, ça dénoue en lui, en fulgurance.
  • Ça me pète à la figure comme des bulles de champagne !…

La psychanalyse parle du corps, se vit en corps, parfois en corps à corps, (on est loin du mental, du cérébral ou de l’intellectuel évoqué par ceux qui n’en ont pas l’expérience)

  • S’autoriser à dire l’éprouvé dans l’instant également

J’ai envie de vous prendre dans mes bras, de bercer ce petit garçon (cette petite fille) en vous, celui qui a eu si peur, celle qui attend les miettes d’un amour qui ne s’est pas vécu…

  • Et puis, il restera toujours, forcément et bien heureusement, cette part d’incertitude dans ce qui s’est joué pour l’autre, dans ce qui a permis de dénouer (exemple de l’énurésie « dis à Mme Germain pourquoi » …). « Hein, dis le à Mme Germain pourquoi tu fais pipi au lit »… « Madame, je vous arrête, et, me tournant vers l’enfant, nous allons travailler ensemble si tu veux bien, on parlera sans doute pas trop de ce pipi au lit d’ailleurs, et en explorant tous les deux de quoi ça pourrait parler que tu n’arrives pas à dire autrement, on peut penser qu’il n’y aura plus de pipi au lit, mais ni toi ni moi ne saurons répondre à cette question du pourquoi ».
  • Cette incertitude peut se traduire en décalages entre le ressenti de l’analyste et ce que l’autre a dénoué à partir d’une proposition de sa part, (quand les mots le traversent à son insu)

Jeanne Benameur, dans « la patience des traces », évoque ce décalage entre le regret de Simon, psychanalyste, d’avoir prononcé une phrase qu’il juge « stupide » à sa patiente, sa conviction que la patiente n’est pas revenue suite à cette phrase malencontreuse (page 42) et le ressenti par la patiente, ayant éprouvé que c’est cette même phrase qui a contribué à dénouer chez elle ce qui l’empêchait, et qui a bouclé le travail psychanalytique (pages 137/138)

  • Pas d’ »explication » qui tienne dans la psychanalyse. Ouf, nous voilà sauvés de la certitude, du savoir, d’une réponse à donner, d’une position où l’on saurait pour l’autre

Il reste à l’analyste : De l’engagement du corps, des corps, de la présence à l’autre, quelques repères de posture, d’écoute, de l’accueil de ce qui surgit à son insu, de la confiance pour se laisser dire, de la confiance dans l’autre qui, seul, en sait quelque chose à l’intérieur de ce qui le concerne, dans la puissance des mots qui parlent et qui ouvrent dans d’imprévisibles pas de côté, ou vers d’improbables chemins de traverse.

Conclusion

L’exercice de la psychanalyse : un risque balisé par un cadre, quelques repères et une place centrale à l’incertitude.

N’est-ce pas l’admission de ce principe d’incertitude qui nous permet d’éprouver dans l’instant, accueillant en confiance ce qui est, ce qui se présente à nous (intuitions), ce qui est à vivre faisant la part de tout ce qui ne nous appartient pas, de tout ce sur quoi nous n’avons pas prise.

Le risque de s’exposer, d’explorer le Non savoir chez l’analyste, (ou le trop en Savoir chez le patient)

Le risque de se laisser surprendre (dans les repères d’un cadre : espace/temps et positions occupées/places de chacun dont l’analyste est garant, médiation de l’argent),

Le risque d’engager une posture ouvrant aux transfert et contre transfert, conditions du travail analytique

Le risque qu’advienne la parole qui surprend l’autre,

Le risque lié au cadeau de se surprendre soi-même par sa propre parole !…

Myriam GERMAIN

1 Attention flottante : modalité d’une écoute analytique proposée par Freud à partir de sa méthode d’interprétation des rêves ; l’attention, en libre suspens, est non dirigée, non focalisée, non filtrée, sans attentes ni volonté ni réflexion. L’association flottante de l’analyste accueille ainsi les libres associations des idées du patient. Bion estime que l’analyste doit fonctionner sans mémoire, ni désir, ni connaissance. Le paradoxe dynamique de cette écoute permet de laisser surgir, parfois en fulgurances, chez le patient – chez l’analyste qui se laisse guider par comment ça parle en lui – un détail qui devient central, un mot qui dénoue en lui-même. L’attention flottante ouvre un travail d’inconscient à inconscient.

Le CPCI en 2017, par la Présidente

Rapport d’activité & Rapport moral

du CPCI pour l’année 2017

Présentés lors de l’Assemblée Générale du 24 janvier 2018,

à la Maison des Associations à Grenoble

Bilan de cette année 2017, deuxième année de la Présidence pour moi. Ce CPCI qui vient animer mes ambivalences, CPCI chéri donc par les satisfactions narcissiques individuelles et groupales qu’il provoque. Bébé choyé mais aussi quelquefois haï au sens psychanalytique du terme, de par la lourdeur, la charge mentale que cela représente, non seulement pour moi présidente mais également pour chacun/chacune des membres impliqués dans sa dynamique, administrateurs et membres du collège élargi. Bébé jalousé aussi peut-être par certains ! Bébé fragile peut-être également. Mais commençons donc par du concret.

Rapport d’activité

Le bilan des trois pôles d’activités du CPCI qui sont centrées sur :

    • les ateliers & la conférence annuelle, organisés par le CPCI
    • la Journée Annuelle des Psychologues organisée conjointement avec les psychologues du CHAI et le CPCI
    • la communication
  • et aussi une petite mise en bouche : les Happy Hours. 

Le 8 mars 2017, le CPCI organisait son premier atelier, le rendez-vous annuel avec les étudiants, animé par 5 membres du CPCI. 21 étudiants étaient présents, dont :

  • 15 étudiants de Master 1 (12 de l’université de Grenoble, 1 de Lyon 2 et 1 de Montpellier)

  • 5 étudiants en Master 2 (2 de Grenoble, 1 de Chambéry, 1 de Lyon 2 et 1 de Paris 8)

Cette soirée a été un temps d’échanges à partir de l’énoncé suivant : « Un étudiant, un maître de stage, une institution : attentes, rencontre et transmission » et d’interrogations des étudiants quant à : l’identité professionnelle, la question des stages (les difficultés pour en trouver et les difficultés avec les maîtres de stage), la sélection au cours des études, les orientations conceptuelles différentes qui sous-tendent l’organisation des études dans chaque université, le statut du psychologue dans le monde du travail, le marché du travail, la spécificité de la posture du psychologue. Une question témoigne de la particularité de notre métier des sciences humaines : « est ce qu’on se sent prêt après le diplôme ? ».

Nous avons pu éclaircir leur questionnement quant :

  • à la définition de clinicien « tourné/incliné vers le sujet », rappelant surtout notre posture spécifique de reconnaissance du sujet dans son individualité d’être et de liberté psychique (rappel du Code de Déontologie).

  • au temps FIR

  • au statut de Cadre et notre hiérarchie administrative et non pas médicale

  • à la nécessité d’outils et de ressources pour travailler/penser sur sa pratique tout au long de la carrière.

C’est un temps qui nous permet de maintenir, travailler, éprouver notre lien avec l’université de psychologie de Grenoble.

L’atelier du 12 avril 2017

Suite et fin de notre fil rouge de ces années 2016 & 2017 : le psychologue et le corps. Cet atelier fut centré sur les problématiques alimentaires.

Les membres du CA présents lors de cet atelier évoquent un atelier très fluide et participatif. Les intervenantes étaient à l’aise dans leur présentation et dans les réponses aux questions. Le retour fut positif de leur part.

Parmi les participants, nous ne comptions que 4 collègues psychologues diplômées, le reste des participants étaient des étudiants. C’est la première fois que nous ouvrions l’atelier aux étudiants sans la présence obligatoire du maître de stage. Cela nous questionne sur cette faible représentation des collègues diplômées.

Le sous-titre, qui amène le fil rouge : « La pratique du psychologue et … » semble important à indiquer sur les flyers, posant le cadre d’un échange sur nos pratiques à partir de nos cliniques, et non d’une soirée de type conférence théorique.

La conférence ouverte au public animée par René MARINEAU, le 11 mai 2017

Nous retenons le coté agréable du moment partagé et des talents d’orateur de Mr Marineau. Néanmoins, l’intervenant n’a pas à notre sens répondu à l’argumentaire qui annonçait une réflexion sur les « Défis & Perspectives du XXIème siècle« . La communication pour la préparation n’a certainement pas été suffisante aussi ; entre autres sur nos attentes qui seront à l’avenir à définir plus clairement ainsi que la rémunération de l’intervenant.

Remerciements à tout le comité de diffusion de l’information de la conférence. Nous avons accueilli une soixantaine de participants = participation moyenne, comparativement à d’autres conférences.

Les Happy Hours

Le CPCI a fait sa rentrée scolaire le 27 septembre 2017 avec les Happy Hours. Une vingtaine de collègues étaient présents, dont certains étaient nouvellement arrivés sur la région et cherchaient à tisser un réseau. Ce fut un moment convivial. Il aurait peut-être fallu faire une présentation du CPCI lors de la soirée. A poursuivre à mon sens afin de permettre un temps d’échanges informels entre collègues, entre nouveaux et installés. Cette soirée s’est prolongée par un temps au restaurant, offert par le CPCI, entre membres du CA, les anciens et les nouveaux, moment là-aussi convivial pour remercier les anciens administrateurs de leur investissement dans l’association et signifier ainsi la transmission.

L’atelier du 11 octobre 2017

Cet atelier ouvrait notre nouveau cycle sur la parentalité. Il fut centré sur le couple à partir de deux approches cliniques complémentaires : l’approche systémique et l’approche psychanalytique. La salle était comble, cette fois-ci avec une majorité de psychologues cliniciennes par rapport aux étudiantes (entre 25 & 30 participants). Réel succès pour cet atelier qui fut centré sur la pratique mais pas d’hommes psychologues dans la salle.

Journée Annuelle des Psychologues

Elle a eu lieu le 24 novembre 2017 à Grenoble. 88 psychologues étaient présents, 72 l’année dernière, du département de l’Isère mais pas uniquement, le Rhône, la Savoie, l’Ain étaient représentés. Sans surprise du côté de la participation, notre thème s’inscrivant dans la continuité de la JAP 2016. « Malaise dans la transmission, qu’est-ce que je fou(s) là ? » Au vu de la situation dans nos institutions, et dans notre société, cela se comprend aisément.

Nous avons apprécié la formule : matin avec trois intervenants + après-midi en table ronde. La table ronde, très représentative de la diversité de lieux de pratique des psychologues, en plus de la boîte à questions, ont vraiment rendu la discussion avec la salle, dynamique et animée. Le niveau intellectuel recherché a été atteint. Belle journée de par le thème choisi : la transmission. Nos trois intervenants du matin représentaient chacun une période de la vie professionnelle : la retraite, le plein âge de la carrière professionnelle et la recherche universitaire. Les retours furent également positifs quant à la convivialité qu’offre cette journée (temps d’échanges conséquents grâce à la pause-café et le repas).

Le Comité d’Organisation peut se féliciter du succès de cette journée.

Le CPCI, c’est également un réseau,

La communication fonctionne toujours aussi bien grâce aux échanges de mails via la boîte mail du CPCI et la mise à jour du site. Cela demande néanmoins un grand investissement en terme de temps. La gestion des adresses mails s’alourdit (280 contacts).

Rapport moral

Nous avons pu mener à bien les objectifs que nous nous étions fixés cette année, avec un degré de satisfaction évident une fois les activités portées à leur terme et l’année écoulée.

Cette fin d’année fut particulièrement révélatrice des dynamiques en jeu dans notre association. Autant l’année dernière, j’évoquais ici même le départ des anciens, départ vécu comme perte non encore suffisamment élaborée. Autant cette année, ce départ fut célébré, ritualisé, intégré psychiquement me semble-t-il. Les nouveaux venus peuvent prendre leur place tout comme les nouveaux projets.

J’en eus la perception également lors de la Journée Annuelle des Psychologues, dont le thème de la transmission était tout choisi pour / par le CPCI. Journée durant laquelle pour la première fois, je sentais face à l’urgence, face à la désespérance du monde, face au désarroi que nous rencontrons dans nos institutions, dans nos cabinets libéraux et en nous-mêmes un sentiment d’appartenance naître en moi, appartenance au groupe des psychologues, appartenance au groupe des psychologues de l’Isère et en appui sur les regroupements des collègues / collèges des départements de la région et au SNP. Nous avons résisté aux rouleaux compresseurs de l’abrasion des identités. La ressource et la créativité sont au rendez-vous chez les psychologues et dans notre institution bien aimée ; le CPCI ! Le doute fut et restera cependant présent longtemps. Mais n’en est-il pas de même dans tout type d’institution ?

Le CPCI c’est aussi une institution, un groupe animé par ses propres soubresauts, son dynamisme plus ou moins créateur selon l’implication de ses membres, selon la personnalité et la disponibilité de chacun, selon son histoire. Nous rejouons également dans cet espace groupal ce qui se déploie sur la scène sociétale : compression subjective du temps, individualisme, nouveaux modes relationnels. La notion d’engagement est au centre de notre dynamique associative tout comme l’est notre place, notre rôle de citoyen dans notre société et dans notre rapport au monde. Il y a nécessité à mon sens d’un investissement des administrateurs sur le long terme.

Mais que font les hommes ? Où sont les hommes ? Pour la première fois, il n’y a plus d’hommes dans le conseil d’administration. Prenons garde Mesdames à ne pas trop jouer notre carte maternelle, maternante, nous allons les faire fuir encore plus !

Je souhaite donc que les activités du CPCI se poursuivent, dans un mouvement d’ouverture, de diversité, que nous prenions garde à la rigidité dont certains groupements cliniques font preuve et que nous puissions travailler, questionner cette rigidité si elle devait être à l’œuvre ici.

Les différentes activités du CPCI sont reconduites pour cette année, leur élaboration est déjà bien avancée pour la plupart :

    • L’atelier des étudiants le 7 mars 2018 sous le même format
    • Le 2ème atelier sur la parentalité en avril 2018
    • La conférence sur les « mécanismes d’emprise »
  • Puis les Happy Hours et la JAP en dernière partie

Pour finir, un remerciement particulier à notre trésorière de ces dernières années, qui a décidé de prendre d’autres chemins.

Je tiens à remercier tous ceux et celles qui se sont impliqués cette année au CPCI. Seule je n’aurai rien pu faire, je n’en ai ni le désir ni les épaules.

La diversité, l’intergénérationnel est ce qui m’anime. Merci

Anne J.

Présidente

Ouverture de la Journée Annuelle des Psychologues, par Axelle M. & Anne J. – novembre 2017

Ouverture de la Journée Annuelle des Psychologues

Par Anne J., présidente du CPCI et

Axelle M., psychologue clinicienne au CHAI

Nous continuons aujourd’hui notre travail entrepris l’année dernière à la même date et dans le même lieu à propos de l’identité des psychologues, de leur capacité à travailler et à réfléchir ensemble.

Je choisis aujourd’hui un discours d’ouverture peu théorisé mais plutôt une création narrative de ma place et de mon positionnement. J’exerce le métier de psychologue clinicienne. Je suis psychologue dite institutionnelle dans une maison d’accueil spécialisée et également intervenante en analyse de la pratique. Parallèlement je suis engagée dans le diplôme universitaire d’analyse de la pratique de l’institut de psychologie à l’université de Lyon.

Comme vous le savez, je suis la Présidente du Collège des Psychologues Cliniciens de l’Isère depuis 2 ans. Il n’y a pas eu d’enjeux de rivalité lors de mon élection, il fallait quelqu’un à ce poste que personne ne voulait, j’y suis allée.

Je suis également, comme vous, citoyenne et j’ai le sentiment de subir des mutations sociétales et mondiales qui manquent de cohérence et de sens et qui viennent me solliciter du côté de l’opposition, de la révolte. Frédérique GROS, philosophe, parle de la « désespérance du monde à la mesure de notre impuissance1« . Il ajoute : « Pourquoi est-il si facile de se mettre d’accord sur la désespérance du monde et si difficile pourtant de lui désobéir ?« 

La transmission est donc le thème qui nous habite aujourd’hui. Il me semble que nous traversons une crise du récit, de la mise en mots, de la mise en débat. Ma réflexion s’appuie sur les écrits de Walter Benjamin, philosophe allemand de la première moitié du XXème siècle que j’ai découvert au travers des ouvrages de Roland GORI.

Souvent cette année, à ma place de Présidente du CPCI, entre autres, j’ai été envahie de sentiments négatifs, dépressifs et quelquefois violents, sentiments de colère, de désespoir, d’inertie, pestant contre l’énergie qu’il nous fallait trouver pour mener à bien les actions, les objectifs du CPCI, objectifs qui sont à mon avis à la fois humbles et suffisants pour créer la dynamique nécessaire à la créativité et à l’existence de ce groupe « laïque » de psychologues, c’est-à-dire non rattachés à une institution particulière. Ses fondateurs ont aujourd’hui quitté l’association et la plupart sont partis à la retraite, nous avons du mal à prendre le relais. La notion d’engagement vient ici prendre tout son sens … il fut un temps semble-t-il révolu, où lorsqu’on prenait date pour une rencontre, on y était présent et non pas débordé par l’accélération d’un temps subjectif. Le paroxysme de ce malaise fut ce printemps où je me surpris à penser : « y’a plus qu’à se payer en douce un voyage avec l’argent dont on dispose sur le compte du CPCI … et stopper cette aventure« . Car paradoxalité de la situation : la santé financière du CPCI est bonne et nous permet d’organiser ce type de journée sans avoir la préoccupation des entrées d’argent. Comme quoi, finalement, l’argent n’est peut-être pas le nerf de la guerre …

Les encouragements et les remerciements concernant la communication du CPCI via sa boite de messagerie sont nombreux, néanmoins, je souhaiterais que le CPCI ne devienne pas un réseau social à l’image de « facebook » ou « twitter », qu’il ne soit pas que cela, qu’il ne soit pas surtout cela.

Alors il me restait à partager ces préoccupations avec les membres du Comité d’organisation de cette journée et sentir alors la nécessité impérieuse de sortir de notre pessimisme en allant voir ailleurs si l’herbe est plus verte … Lyon vécu par nous grenoblois comme un des bastions de la psychanalyse et porteur d’une pensée clinique vivante et vivifiante, le petit village gaulois, quoi. Je remercie donc Sarah GOMEZ d’être avec nous.

Je me pose la question de notre groupe, ici et maintenant. Sommes-nous en capacité de défendre nos droits, nos contrats de travail, notre temps FIR, notre travail de psychologue particulièrement attaqué dans le registre qui est le sien, c’est-à-dire la pensée. Les psychologues peuvent ainsi être instrumentalisés quand la précarisation de nos postes ne nous permet pas toujours de nous positionner face à nos directions. Mathilde DESCHAMPS nous parlera tout à l’heure de l’institution.

Penser et agir maintenant.

Aller plus loin aujourd’hui et faire peut-être ensemble. Pour ceux qui étaient présents l’année dernière à cette journée, souvenez-vous de l’intervention de Ludovic GADEAU. 500 nouveaux diplômés en psychologie qui sortent des bancs des facultés Rhône-alpines. Au niveau national, c’est 4967 diplômes de psychologie délivrés en 2016 toutes options confondues. Les institutions vont-elles offrir le nombre de postes correspondants ? Non. Et nous psychologues isérois et Rhône-alpins que faisons-nous par rapport à cette situation ? Comment pouvons-nous nous positionner ? Vous comprenez donc la raison de la présence de Jacques BORGY à nos côtés aujourd’hui.

Pour finir cette introduction et lancer la journée, j’ai appris l’existence d’un blog de psychologues qui s’intitule : « un jour, les psys domineront le monde mais pas demain faut rendre un rapport« . Voilà de quoi nourrir notre réflexion.

Et avant de passer le bâton de relais à Axelle Mars, j’ajoute un dernier point concernant « la pensée et l’action » : ce discours d’ouverture ne se veut pas trop militant, néanmoins, vous savez qu’une association comme le CPCI, même si cette dernière se porte bien financièrement, vit uniquement grâce aux adhésions. Nous avons donc prévu un stand « adhésions ».

Anne J., présidente du CPCI

Nous avons donc choisi de titrer cette journée qui nous réunit : Malaise dans la transmission : Je vous épargnerai les différentes étymologies dont nous sommes férus, nous les psychologues, tellement soucieux ou faudrait-il dire curieux des origines, pour en garder le vocable « mission ».

Mission : Celle qui m’est dévolue ce jour serait-elle d’usurper une place, naguère tenue par le secrétaire du Collège des Psychologues du CHAI, auparavant appelé C.H.S ?

Ce dernier d’ailleurs, qui d’un revers de signifiant a perdu son « S », ce « S », qui pourtant lui conférait sa spécificité, c’est-à-dire de pouvoir recevoir des personnes ayant des troubles psychiques quels qu’ils soient. A l’instar des pavillons qui ont perdu leurs noms de médecins psychiatres pour ceux plus fleuris de Berlioz, Matisse…

Alors, malaise dans la transmission : Nous sommes là au cœur du sujet.

Savez-vous qu’à l’origine du Collège des Psychologues actuel était le C.L.I.P.P, Comité de Liaison et d’Information des Psychologues Praticiens. Il s’agissait d’une association fédérant des psychologues de divers horizons, du CHSP, eh oui, P pour Psychiatrie, de Saint-Egrève, de Bassens, de l’AFIPAIEM, LE Perron, l’OVE…

Le premier document que j’ai tenu dans les mains date de décembre 1977 et a pour titre « revendication salariale : note aux psychologues ». Il s’agit d’un document rédigé par les syndicats CGT, CFDT et SNP aux psychologues :

« Chacun d’entre nous est conscient de la sous-rémunération qui frappe notre profession. Actuellement, il n’est pas tenu compte :

  • De notre niveau d’études ni de notre qualification

  • De la réalité de notre travail ni de nos responsabilités.

  • Notre revendication salariale s’inscrit normalement dans le contexte social général actuel. Tous travailleurs de notre pays se battent contre l’érosion de leur pouvoir d’achat et pour obtenir des salaires décents, et les Psychologues ne sont pas différents des autres salariés. »

Le CR de l’AG du 20 Avril 1978 traite du problème du numerus clausus au DESS de Psychopathologie et pose ainsi la question :

« Faut-il former des psychologues en fonction des débouchés dans le monde du travail ?

Ou faut-il former des individus compétents, capables de s’intégrer eux-mêmes dans la vie professionnelle ?

Plutôt que de créer de nouvelles spécialisations en 5ème année ne pourrait-on pas intégrer dans les études de Psychologie des formations qui sont nécessaires à tout praticien (formations de groupe, analyse institutionnelle, connaissances des réalités professionnelles…) ? »

Tout cela n’est pas sans évoquer l’intervention de Ludovic Gadeau de l’an dernier.

En 1979, la première journée régionale des psychologues pensée comme un débat public, regroupe une soixantaine de psychologues sur les 170 conviés….y croirez-vous, la journée s’articulait autour d’une table ronde d’une dizaine de psychologues, et d’un débat suite à cette table ronde, concernant les différents aspects du travail du psychologue (champ statutaire, etc). L’année suivante la journée intitulée « seuils et normes dans la fonction du psychologue » se proposait de réfléchir au problème des psychologues sans travail : « quelle solidarité à ce sujet ? », et à celui de la pratique des psychologues face au pouvoir institutionnel…Puis deux années ouvertes de travail visant à participer à l’élaboration du projet de loi sur la protection du titre de psychologue établie en 1985, sur le statut du psychologue, ainsi que sur la constitution du DESS. Enfin, le code de déontologie qui sera fondé en 1996 est l’objet de presque chaque réunion mensuelle. En 1991 le CLIPP devient le collège des psychologues du CHS de Saint Egreve. En 2004, des membres du collège associés à des psychologues d’autres institutions ressentent le besoin de créer une association hors les murs  : Le CPCI est né.

Mission, car dans la journée qui nous réunit aujourd’hui, et celles qui ont précédé, pour les membres qui l’ont construite au fil de nos réunions, cette valence-là prend tout son sens. D’année en année, continuer à faire vivre cette journée relève de la mission, alors qu’elle constitue véritablement l’unique temps autour d’un objet commun : nous retrouver. De la même manière, continuer à faire vivre le collège des psychologues, et aussi, le CPCI, comme vous le disait Anne Jambrésic, peut parfois relever de la gageure.

L’engagement collectif des psychologues est en berne, au sein d’une époque où le sujet peine à trouver un lieu, un refuge, où il puisse traiter de ses angoisses liées à sa condition d’être humain.

Enfin, Sommes-nous encore en mesure dans nos mondes contemporains d’assurer les missions qui nous incombent, au sein de l’Hôpital, les missions de service public ? Mais aussi plus largement, les psychologues peuvent ils se sentir encore suffisamment tranquilles pour assurer leurs missions dans l’institution dans laquelle ils travaillent ? Et si oui, pour combien de temps encore ?

Aujourd’hui, dans le tourbillon des contraintes et des multiples niveaux d’indifférenciation, nous sommes appelés, me semble-t-il, à soutenir la dignité à laquelle les patients ont droit, à prendre le pouls des équipes violentées par ces langues étrangères du « tout rentable et tout contrôlable » et les accompagner ; à proposer des lectures de ce démantèlement organisé de l’histoire ; à être, comme le disait Serge Manin « force de proposition », pour lutter contre l’effondrement. Acceptons nous d’assurer, « fils et filles de » une continuité d’existence à la génération que constitueront les psychologues de demain ?

Cela suppose inévitablement d’assumer être dans un certain dévoiement à l’intérieur de notre institution qui rame en sens inverse.

Nous traversons un moment dépressif qui perdure. Surmonter la position dépressive, c’est pouvoir reconnaître, et supporter, que les bons peuvent être méchants mais que les méchants, aussi, peuvent être gentils…

A l’hôpital, les formations, celles que nous avons reçues aussi bien que celles que nous pouvons proposer, mais également, quelque chose de l’ordre de la famille, font partie à mon sens du bon.

La famille élargie, pour ma part, de mes collègues psychologues, psychomotriciens, assistantes sociales, infirmiers, éducateurs, orthophonistes, enfin, quand il en existait encore, et de certains médecins avec lesquels l’idée de collaboration conserve tout son sens. Dans ce qui nous relie, une forme de ténacité et la conviction que nous ne pouvons pas être ailleurs que là où nous nous efforçons de rester arrimés, au chevet de nos patients. L’hôpital est le lieu de l’Hospitalité.

Tout cela suppose de pouvoir supporter l’incertitude et le désarroi qui ne sont pas de vains mots nous concernant. C’est plus facile à plusieurs.

Certes, c’est peut-être de l’illusion groupale, mais n’avons-nous pas besoin de cette illusion d’omnipotence pour survivre ?… à l’image de l’enfant qui en jouant, avec toute la force de ses pulsions, surmonte sa douleur et sa peine inhérentes au fait même de vivre. Et ainsi, je finirai par cette phrase de Piera Aulagnier dans la Violence de l’Interprétation qui résonne avec notre journée : « Vivre c’est expérimenter de manière continue ce qui résulte d’une situation de rencontre ».

Axelle M., psychologue clinicienne au CHAI

Vendredi 24 novembre 2017 – Grenoble

1 Frédérique GROS, « Désobéir » ed. Albin Michel, 2017

Le CPCI en 2016, par la Présidente

Rapport d’activité & Rapport moral

du CPCI pour l’année 2016

Présentés lors de l’Assemblée Générale du 8 février 2017,

à la Maison des Associations à Grenoble

L’année 2016 a été une année de transition pour le CPCI, transition due à mon sens à la nouvelle composition du Conseil d’Administration, une nouvelle dynamique de groupe a donc été mise en œuvre. Parallèlement, et en lien avec cette nouvelle dynamique à trouver et créer, le nombre des activités du CPCI a été moindre cette année. Nous allons donc revenir sur ces différents points plus en détail.

Pour rappel, le Collège des Psychologues Cliniciens de l’Isère se donne pour objets : informer le public et les professionnels de la démarche de soin du psychologue, de ses moyens et de ses méthodes regrouper les psychologues en vue d’échanges et de réflexions sur les pratiques développer les activités et la formation des psychologues, favoriser tous les travaux de recherche relatifs à la psychologie clinique défendre la profession et ses principes éthiques 

Rapport d’activité

Le CPCI propose habituellement 4 ateliers de réflexion et d’échanges durant l’année. Cette année, deux ateliers ont eu lieu :

Le premier, le 23 mars 2016, présentait la relaxation psychanalytique, selon la méthode BERGES. Les exposés furent riches. Nous pouvions mettre en parallèle voire en concurrence deux pratiques différentes de la relaxation psychanalytique. Les retours des participants ont été très positifs.

Le second atelier a eu lieu le 27 avril et était plus particulièrement destiné aux étudiants en psychologie. Il fut animé par quatre membres du CPCI de divers horizons et expériences, autour de la relation entre maître de stage et psychologue-stagiaire. La parole a pu circuler librement et spontanément alors que des craintes avaient été exprimées quant au contenu de cet atelier lors de sa préparation en Conseil d’Administration. Que nos  «joyeux animateurs » en soient remerciés.

La rentrée de septembre a vu la reprise des Happy Hours du CPCI pour sa deuxième tournée. Une trentaine de collègues s’est réunie autour d’un verre et d’amuse-gueules dans un bar associatif de Grenoble. Le but de cette rencontre est de favoriser les échanges entre collègues de façon informelle et conviviale.

Puis en novembre, notre Journée Annuelle des Psychologues a été à mon sens un réel succès. Nous étions environ 70 participants. Le thème de cette année  «travailler ensemble nous tue, nous séparer est mortel » développait l’idée de la nécessité de travailler entre collègues, comment, dans quelles instances et à quelles conditions. Mais quid de la rivalité ? L’introduction par Ludovic Gadeau, psychologue, docteur en psychologie et professeur à la fac de Grenoble nous a permis dès les premières heures de la journée de nous fédérer autour des problématiques spécifiques des psychologues, à savoir, le manque de postes alors que le nombre de diplômés est trop important, et l’incapacité ou la difficulté certaine des psychologues à se rassembler pour œuvrer dans le concret à l’exercice de leur métier. Qu’allons-nous faire de ces réflexions, de cette dynamique groupale que nous avons pu ressentir lors de la Journée ? La présence de nos joyeux clowns,  «les Noodles » fut un moment de rires partagés … et une façon de prendre de la distance par rapport à notre métier, aux termes que nous employons qui peuvent sembler quelquefois des gargarismes intellectuels pour qui n’est pas de notre clan. Les retours de la Journée ont été également positifs.

Mais le CPCI, c’est également un réseau, une façon de faire du lien entre collègues via le site Internet et la boite mail.

Nos remerciements s’adressent aux relookeurs de notre site web. Une nouvelle dynamique est insufflée en souhaitant intégrer sur le site les actes de la Journée Annuelle. Pour ma part, j’aimerais que l’on puisse y partager des notes de lecture ou de films. Toute initiative est donc bienvenue.

La boite mail fonctionne également bien, nos adhérents et sympathisants ont maintenant pris l’habitude de l’utiliser pour y déposer une information concernant une conférence, un colloque, une formation et également les offres de stage et d’emploi. Les retours là-aussi sont plus qu’encourageants.

Il n’y a pas eu de conférence à destination du grand public pour les raisons que je vais évoquer. Néanmoins nous pouvons dire :  «Sauter une année c’est pour mieux rebondir l’année suivante ».

Rapport moral

Concernant la composition du Conseil d’Administration, plusieurs piliers du CPCI ont quitté l’association en 2015. Il s’agit de psychologues cliniciennes expérimentées et férues du travail groupal. C’est peu dire que leur absence s’est ressentie dans nos échanges par la suite et peut-être que leur départ ne fut pas suffisamment élaboré. Il a donc fallu que les nouveaux membres trouvent leur place puis fassent groupe. Le poste de trésorier puis trésorière a ainsi pu être repris en douceur.

Trois nouveaux membres ont par ailleurs rejoint le Conseil d’Administration cette année. Ce sont de jeunes psychologues, qui au fil des réunions du CA ont pu trouver leur place. Il nous a de plus semblé important de trouver des temps de rencontre autres que ceux des CA pour se voir, apprendre à se connaître, partager autre chose afin qu’une certaine dynamique voit le jour. Cela fut réalisé en juillet autour d’un verre échangé au Cabaret Frappé, verre renouvelé lors des Happy Hours.

Continuer à développer les liens entre nous me semble opportun à travers notamment l’existence du Conseil d’Administration élargi, dans lequel peuvent s’inscrire les nouveaux adhérents qui souhaitent s’impliquer dans la dynamique du CPCI, sans toutefois faire partie du Conseil d’Administration. L’une d’entre nous est ainsi passée d’invitée permanente en 2015 à membre du CA en 2016.

De même, en 2016, nous avons pu voir s’impliquer une nouvelle collègue. Sa participation à l’animation de l’atelier des étudiants, et son avis consultatif lors des CA nous ont également été fort utiles et étayants.

D’autres adhérents moins disponibles mais néanmoins intéressés par les activités du CPCI et ses raisons d’être ont apportés leurs avis et leurs encouragements, aidant ainsi à la dynamique de l’association.

Enfin, des membres actifs ces dernières années choisissent de moins s’impliquer. Continuer à faire partie du Conseil d’Administration élargi leur permet de rester présents, informés de nos activités. Nous continuons alors de bénéficier de leur réseau étendu, ce qui est toujours utile lors du montage des ateliers ou pour la préparation de la Journée Annuelle des Psychologues.

En écrivant ces quelques lignes, je me disais que nous vivions cette année l’expérience de la séparation, de l’individuation. Le CPCI serait-il en capacité de jouer seul en présence de sa mère ? Seul en ayant en tête ses parents, ses membres fondateurs et ses membres continuateurs.

Et il est facile d’enchaîner par la permanence de l’objet que portent symboliquement quelques membres du CPCI, ayant su laisser leur place de président, de trésorier, pour que de nouveaux visages du CPCI prennent place. Nous les en remercions.

Ce fut une année de transition durant laquelle nous avons traversé des moments de doute, d’agacement, d’abattement. L’atelier raté d’octobre 2016 en fut peut-être l’apogée, le moment de crise que nous avons dépassé peu à peu en retravaillant ensemble le pourquoi et le comment de nos ateliers. Comment continuer à mettre au travail notre pratique, en la partageant avec d’autres, avec ou sans powerpoint mais de préférence sans parce que cela vient signifier quelque chose dans la façon dont nous nous représentons la rencontre avec notre patient, le sujet en souffrance qui vient se confier à nous. Cela affine les valeurs qui agite le CPCI et donne un cadre de pensée suffisamment sécurisant pour tous et en particulier pour ceux qui prennent la responsabilité d’animer un atelier.

Cela vient questionner également notre position de psychologue clinicien. Il ne me semble pas que seuls les psychologues cliniciens soient dans une relation clinique à leurs patients et c’est bien dans ce sens que nous avons souhaité ouvrir les portes du CPCI aux autres approches de la relation d’aide, de la prise en compte de la souffrance psychique, approches qui viennent se compléter quand et seulement quand nous sommes en capacité de nous dire que nous écoutons des niveaux différents de la réalité, de la vie psychique de nos patients. Les thérapies peuvent être psychanalytiques, systémiques, développementales, corporelles, elles sont et demeurent des thérapies, qui vont convenir à un moment donné dans la vie d’un sujet.

Le dernier rapport moral, en 2015, évoquait une mutation, je parle de transition aujourd’hui. Il me semble que le CPCI achève la construction de sa nouvelle identité, de sa nouvelle peau et est prêt à aller se frotter à l’environnement extérieur.

Anne J. Présidente

Ouverture de la Journée Annuelle des Psychologues – novembre 2016

Ouverture de la Journée Annuelle des Psychologues

par Anne J., présidente du CPCI

Bienvenue à la 11ème journée annuelle des psychologues de l’Isère. La première journée avait donc eu lieu en 2005. Au fil des années, nous avons développé nos échanges sur la place des psychologues dans les institutions et dans la société en lien avec les mutations qui leur sont inhérentes. Nous avions abordé l’année dernière la question de la complémentarité de nos pratiques. Nous continuons aujourd’hui notre travail de réflexion sur l’identité des psychologues et nous nous intéresserons plus particulièrement au « travailler ensemble ».

L’identité et le travail sont deux notions inséparables et c’est par là que je vais attraper les ficelles qui nous permettront de faire défiler notre journée.

Le travail est central dans la construction identitaire. Il entre en forte résonance symbolique avec notre identité personnelle, notre histoire infantile. C’est bien la singularité de notre parcours personnel qui nous pousse à mettre en place une certaine pratique puis à la modifier, jusqu’à peut-être sortir des rails théoriques. Travailler avec d’autres disciplines, articuler sa pratique à celle des autres, bref, coopérer, n’aboutit pas, nous l’espérons, au flou des pratiques. Bien au contraire, travailler de façon pluridisciplinaire aiguise les règles du métier, les déontologies de chaque discipline. Sortir des rails, oui, peut-être pas seul alors. Le risque serait de perdre la reconnaissance de ses pairs lorsque l’on change de posture professionnelle. Défricher de nouveaux champs cliniques avec des concepts et des pratiques non encore validés peut générer la mise au ban, l’isolement, l’arrêt d’une carrière, la nécessité impérieuse de quitter l’institution dans laquelle on travaille.

Comme le dit Alain-Noël HENRI dans « la formation en psychologie, filiation bâtarde, transmission troublée » ouvrage paru en 2004 :

« Les psychologues doivent travailler à trouver leur style, à devenir le chercheur qu’ils peuvent être face à des énigmes inéluctablement douloureuses et angoissantes. On dit souvent que pour être psychanalyste, il faut avoir réinventé la psychanalyse pour son propre compte dans l’expérience de sa propre cure, le psychologue doit réinventer les théories psychologiques pour son propre compte, dans l’expérience qui consiste à élucider ce qui en soi et autour de soi fait énigme pour lui. « 

Il me plaît de reprendre l’image développée par le psychanalyste Paul Montangerand, dans son ouvrage « la voie du thérapeute » :

« Nous appartenons aux générations qui succèdent à celle des grands pionniers, comme un cartographe devant les premiers explorateurs du continent africain. Ils [Ces cartographes] avaient les uns et les autres établi leurs tracés qui ne concordaient pas toujours, mais ils procédaient d’expériences vécues. A nous de voir comment tenir ensemble ces tracés de manière à établir notre propre carte du continent.« 

Le psychologue acquiert en partie son identité lors de sa formation initiale et c’est bien notre propos aujourd’hui. Le souci de rigueur scientifique et méthodologique appris dans le cursus universitaire fait partie des éléments de base auxquels s’ajoute une dimension particulière à ce métier qui tient à ce que la rencontre humaine ne peut être enfermée dans une rationalité codifiable ou programmée. Cette dimension est celle de la subjectivité et de l’intersubjectivité. Elle définira, pour le praticien, sa manière d’être et son implication dans la relation à l’autre. La transmission universitaire de cette « manière d’être » demeure relativement aléatoire. Ludovic GADEAU apportera peut-être des éclaircissements, son point de vue, à ce qui signifie pour un enseignant, pour un praticien, cette « manière d’être psychologue ».

Le savoir-faire alors ? Un savoir-faire psychologique dont on entrerait en possession lors de l’obtention du diplôme que l’on a tant désiré. On pourrait croire alors avoir acquis une maîtrise intellectuelle sur un savoir psychologique. Un tel « savoir-faire psychologique », je cite à nouveau Alain-Noël HENRI, deviendrait alors l’équivalent d’un « prêt à porter » qui éviterait, par là-même, de donner à penser ou à remettre en pensée ce qui se joue dans la rencontre avec un usager, usager que nous entendons dans le sens du sujet dont on écoute la parole : sujet individuel, couple, groupe, institution. Oserions-nous alors travailler avec un/une collègue en psychodrame ? Quelles conditions faut-il remplir pour que cela puisse aboutir ? Les conditions énoncées ne relèvent-elles pas d’un processus inconscient ?

« Nous ne sommes donc jamais vraiment psychologues » comme le faisait remarquer Jean Guillaumin à ses étudiants, mais nous essayons de nous maintenir psychologues, entreprise peu sécurisante, qui nous confronte sans cesse à nos manques, nos doutes, nos failles et nos défaillances narcissiques. C’est dans ce travail de désillusion par rapport à un « tout savoir » et un « tout pouvoir » que le psychologue trouvera sa plus juste place.

Travailler ensemble alors. C’est la réalité d’aujourd’hui, nous travaillons avec des psychologues cliniciens, des neuropsychologues, des psychologues du travail. Les théories, en psychologie, sont multiples : psychologie expérimentale, différentielle, sociale, clinique, ethnopsychiatrique, cognitiviste, comportementaliste, … Notre travail est différent mais je me pose la question et nous pose la question : les psychologues cliniciens sont-ils plus cliniciens qu’un neuropsychologue, lorsque l’on se réfère à l’étymologie du mot « clinique » ? L’objet d’étude du psychologue du travail est-il les organisations ou l’humain dans l’organisation du travail ?

Travailler ensemble et accéder à la parole de l’autre, l’autre identique à nous-mêmes de par sa fonction ? Faire partie d’un groupe de supervision, d’un groupe d’intervision, est-ce se mettre en danger ou être en capacité d’accéder à une groupalité interne ? C’est mettre au travail notre « prêt à porter », notre prêt à penser, c’est modifier, diversifier notre garde-robe de mots, de concepts, de clés de compréhension.

Travailler ensemble alors et prendre conscience de cette part de rivalité inhérente dans cette rencontre, entendre nos propres enjeux narcissiques et ceux de nos collègues. En travaillant avec nos pairs – P.A.I.R.S – c’est revisiter notre relation à nos frères et sœurs, notre histoire infantile avec elles et eux, nos fantasmes les concernant. Serait-il alors bienvenu et nécessaire que dans tout collègue il y ait un adversaire ?

Puis se séparer enfin pour devenir soi. J’espère qu’un jour les psychologues pourront devenir eux-mêmes dans leurs institutions et dans l’image qu’ils / que nous véhiculons dans la société. Deviens ce que tu es, disait Nietzsche. Cela nous invite à sortir de notre routine professionnelle, nous pousse au dépassement de soi et à la transcendance.

25 novembre 2016, à Grenoble

Anne J., Présidente du CPCI

Bibliographie :

A.-N. HENRI & P. MERCADER, La formation en psychologie, Filiation bâtarde, transmission troublée, Presses Universitaires de Lyon, 2004.

P. MONTENGERAND, La voie du thérapeute, sa propre édition, 2003.

Former n’est pas transmettre – Malaise dans la construction identitaire des psychologues, par Ludovic Gadeau à la JAP 2016

Former n’est pas transmettre

Malaise dans la construction identitaire des psychologues

Par Ludovic Gadeau

Evolution des logiques de fonctionnement à l’université et des incidences que cela a sur la formation des psychologues :

  • Depuis la loi Pécresse (Loi LRU de 2007), Le fonctionnement des universités a considérablement évolué :
    • Pour une meilleure lisibilité internationale, les établissements et les laboratoires doivent se regrouper en des ensembles de plus en plus gros. Ils sont mis en compétition pour obtenir des dotations de type Labex ou Idex qui assurent le fonctionnement des laboratoires. La principale source d’évaluation des laboratoires et des chercheurs, ce sont les publications.
    • Les enseignants-chercheurs sont évalués essentiellement à partir de leurs travaux de recherche et pas du tout à partir de leur investissement pédagogique. Et les travaux de recherches sont évalués à partir des revues dans lesquels ces travaux sont publiés. Il existe une liste référencée des revues dites à comité de lecture (il y en a 300 dont moins de 5% en langue française). Ces revues sont dans leur extrême majorité des revues anglo-saxonnes. Cela signifie que pour pouvoir publier dans ces revues, il faut accepter les standards de la recherche tels qu’ils sont prônés par ces revues. L’indice h (indice de Hirsch) est un calcul savant du nombre de citations et du nombre d’articles publiés. Plus l’indice est élevé et plus la valeur du chercheur est réputée grande. Mais cet indice ne dit pas si on est cité pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ce qui le rend en partie absurde… Tout cela conduit à devoir développer des stratégies pour « exister » et se rendre « visible »….
  • Il n’existe aucun statut prévu pour les enseignants-chercheurs psychologues praticiens. Cela signifie que de nombreux enseignants en clinique n’ont aucune pratique ou alors ont cessé le contact avec le terrain (autrement que par la recherche) à leur entrée dans la fonction d’enseignant-chercheur.
  • Disparition progressive de la psychanalyse à l’université : aujourd’hui sur les 35 universités françaises, seulement 12 ont un laboratoire de recherche où la psychanalyse est la théorie de référence (Aix-Marseille, Lille 3, Lyon 2, Montpellier 3 Paris 5, 7, 8, 10 et 13), Rennes 2, Strasbourg, Toulouse 2).
  • En 2016-17 : délivrance au plan national de 4967 diplômes de psychologie dont 2366 en clinique (il y avait en 2000 1595 places de master 2 clinique). Au niveau local, en clinique : dépt 73 = 85 ; dépt 38 = 85 ; dépt 69 = 175+30 sans compter les masters recherche (en santé, intervention, etc = 110. Total en clinique sur la région = 400. Se pose la question de l’insertion professionnelle des étudiants en raison de la faible adéquation entre le nombre de diplômés et le nombre d’emplois existants. Il n’y a aucune instance nationale qui vienne réguler le nombre de diplômés au regard du marché de l’emploi.
  • Avec la réforme LMD, sans qu’on en parle beaucoup, la valeur symbolique de la formation des psychologues s’est artificiellement dégradée depuis la mise en place de l’harmonisation européenne des diplômes. Jusqu’en 2002, le diplôme de psychologue était de niveau 3ème cycle. Depuis, il est devenu un diplôme de 2ème cycle.
  • Il n’y a pas de définition nationale des compétences professionnelles attendues au niveau Licence, master, et doctorat. Chaque porteur de mention les définit lui-même. Cela produit non seulement une sorte d’hétérogénéité dans les formations. Cela peut conduire à une hyperspécialisation des parcours de formation et faire des psychologues spécialisés dans un domaine et partiellement ignorants des gestes professionnels de base. Il y a là le risque de rabattre la profession de psychologue du côté du psychotechnicien.

La vulnérabilité institutionnelle :

Ajouté à ce contexte général, je voudrais formuler quelques remarques qui de mon point de vue soulignent combien les psychologues sont en position de vulnérabilité institutionnelle.

Je suis frappé par le fait que, souvent, les psychologues doivent réexpliquer ce qu’est leur travail dans les institutions qui les emploient, comme si ça n’était pas compris et lorsque ça l’était (ou paraissait l’être) ça ne tenait pas dans le temps. Comme si au fond la nature du travail des cliniciens ne s’inscrivait nulle part dans l’institution.

Est-ce que cette non-inscription est inhérente à la nature même du travail du psychologue clinicien, auquel cas il doit porter cette croix en permanence (et la formation devrait en tenir compte parce que ce n’est pas facile de se sentir attaqué dans la légitimité de ses interventions et même de sa place).

Ou est-ce que cette non-inscription tient à autre chose : c’est un peu l’hypothèse que je formule. Il me semble que ce défaut d’inscription renvoie à deux choses :

    • à une sorte de négativité de l’identité dans l’institution.
    • A un amoindrissement des aspects performatifs de la parole des psychologues à un niveau institutionnel/administratif.

La négativité me semble à l’œuvre dans le fait qu’il semble plus facile au psychologue de dire ce qu’il ne fait pas ou n’est pas que de dire ce qu’il est ou fait. Elle est à l’œuvre également en ceci que, bien que le psychologue ait un statut de cadre, rien dans son positionnement institutionnel ne semble se référer à cela : ni la rémunération, ni l’autonomie clinique, ni la responsabilité institutionnelle. La négativité est encore à l’œuvre dans le fait que les cliniciens cultivent une sorte de position d’exception, une position non classable dans l’institution.

Cette négativité se retrouve aussi, me semble-t-il, dans la façon dont la profession essaie de défendre ses intérêts :

    • Notre profession a du mal à savoir trouver son unité quand c’est nécessaire pour défendre ses propres intérêts.
    • C’est probablement une faiblesse des sciences humaines dans leur ensemble si on les compare aux sciences de la nature : par exemple les physiciens, les biologistes savent mettre en parenthèse le narcissisme des petites différences quand des intérêts supérieurs sont en jeu.

Les aspects performatifs de la parole du psychologue au niveau institutionnel sont amoindris parce que notre profession ne parvient pas à franchir le cap de la mise en place d’une autorité de régulation de l’exercice professionnel et à se faire représenter par elle.

Les psychologues ont besoin, pour travailler dans les institutions, d’une certaine mise en sécurité psychique, et cette sécurité n’est pas toujours assurée par l’employeur. Nous devons la garantir nous-mêmes.

La vulnérabilité institutionnelle serait atténuée et l’identité professionnelle renforcée :

  • Si le code de déontologie était opposable sur le plan juridique.
  • Si la profession se dotait d’une instance (ordre ou haute autorité) qui représente la profession face aux pouvoirs publics et soit le garant du respect du code de déontologie.
  • Si on découplait les titres et diplômes du droit d’exercer : les diplômes sont attribués par l’université et de droit d’exercer serait une prérogative de cette instance (ce qui permettrait aux professionnels d’avoir un droit de regard sur les formations dispensées et d’en assurer l’homogénéité du point de vue des compétences attendues).

Est-ce que notre profession est parvenue à un degré de maturité suffisant pour se souder autour d’objectifs communs de cette sorte ? Je laisse la question ouverte.

L’identité professionnelle devrait se construire à partir de deux pôles :

  • Celui de la filiation (transmission)
  • Celui de l’affiliation (instance de référence professionnelle, haut conseil, etc.).

Comment différencier formation et transmission ? Ce n’est évidemment pas simple parce qu’il y a des zones de recouvrement entre les deux champs, mais disons que la formation est à la connaissance objectivée ce que la transmission serait au savoir subjectivable. La formation est davantage du côté de l’universitaire et la transmission davantage du côté du praticien référent de stage.

La formation, on voit assez bien ce à quoi ça renvoie : des contenus académiques, un état actualisé des connaissances nécessaires au sujet à former, des méthodes de travail, une évaluation de ce qui est supposé être compris ou maîtrisé.

La transmission, c’est plus compliqué à appréhender : la transmission est un transfert : d’ailleurs Ubertragung, en allemand c’est au sens premier : transmission. La transmission, c’est un transfert croisé, dans lequel quelque chose est mis en circulation entre le maître et l’élève. Entre le maître-formateur et l’élève transite une sorte de concentré d’expérience qui est attente de décompactage (ce serait ça le savoir subjectivable). Ce quelque chose qui se transfert, c’est à mon sens un héritage, c’est-à-dire quelque chose qui vient du passé et devient un passé commun, un passé qui fait communauté, un passé présentifié qui assure une filiation à celui qui le reçoit. Transmettre, c’est inscrire l’autre dans une filiation. La filiation c’est le versant diachronique de l’identité professionnelle.

Mais l’identité professionnelle a besoin aussi de son correspondant dans la réalité objective : c’est l’affiliation. L’affiliation c’est le versant synchronique de l’identité professionnelle. L’affiliation identitaire serait favorisée par l’existence d’une instance commune (haute autorité ou conseil de l’ordre) en ce qu’elle pourrait veiller aux intérêts et aux exigences de la profession et ainsi assurer à la génération à venir la protection nécessaire à l’exercice de la profession.

Former n’est pas transmettre

Malaise dans la construction identitaire des psychologues

Par Ludovic Gadeau

Evolution des logiques de fonctionnement à l’université et des incidences que cela a sur la formation des psychologues :

  • Depuis la loi Pécresse (Loi LRU de 2007), Le fonctionnement des universités a considérablement évolué :
    • Pour une meilleure lisibilité internationale, les établissements et les laboratoires doivent se regrouper en des ensembles de plus en plus gros. Ils sont mis en compétition pour obtenir des dotations de type Labex ou Idex qui assurent le fonctionnement des laboratoires. La principale source d’évaluation des laboratoires et des chercheurs, ce sont les publications.
    • Les enseignants-chercheurs sont évalués essentiellement à partir de leurs travaux de recherche et pas du tout à partir de leur investissement pédagogique. Et les travaux de recherches sont évalués à partir des revues dans lesquels ces travaux sont publiés. Il existe une liste référencée des revues dites à comité de lecture (il y en a 300 dont moins de 5% en langue française). Ces revues sont dans leur extrême majorité des revues anglo-saxonnes. Cela signifie que pour pouvoir publier dans ces revues, il faut accepter les standards de la recherche tels qu’ils sont prônés par ces revues. L’indice h (indice de Hirsch) est un calcul savant du nombre de citations et du nombre d’articles publiés. Plus l’indice est élevé et plus la valeur du chercheur est réputée grande. Mais cet indice ne dit pas si on est cité pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ce qui le rend en partie absurde… Tout cela conduit à devoir développer des stratégies pour « exister » et se rendre « visible »….
  • Il n’existe aucun statut prévu pour les enseignants-chercheurs psychologues praticiens. Cela signifie que de nombreux enseignants en clinique n’ont aucune pratique ou alors ont cessé le contact avec le terrain (autrement que par la recherche) à leur entrée dans la fonction d’enseignant-chercheur.
  • Disparition progressive de la psychanalyse à l’université : aujourd’hui sur les 35 universités françaises, seulement 12 ont un laboratoire de recherche où la psychanalyse est la théorie de référence (Aix-Marseille, Lille 3, Lyon 2, Montpellier 3 Paris 5, 7, 8, 10 et 13), Rennes 2, Strasbourg, Toulouse 2).
  • En 2016-17 : délivrance au plan national de 4967 diplômes de psychologie dont 2366 en clinique (il y avait en 2000 1595 places de master 2 clinique). Au niveau local, en clinique : dépt 73 = 85 ; dépt 38 = 85 ; dépt 69 = 175+30 sans compter les masters recherche (en santé, intervention, etc = 110. Total en clinique sur la région = 400. Se pose la question de l’insertion professionnelle des étudiants en raison de la faible adéquation entre le nombre de diplômés et le nombre d’emplois existants. Il n’y a aucune instance nationale qui vienne réguler le nombre de diplômés au regard du marché de l’emploi.
  • Avec la réforme LMD, sans qu’on en parle beaucoup, la valeur symbolique de la formation des psychologues s’est artificiellement dégradée depuis la mise en place de l’harmonisation européenne des diplômes. Jusqu’en 2002, le diplôme de psychologue était de niveau 3ème cycle. Depuis, il est devenu un diplôme de 2ème cycle.
  • Il n’y a pas de définition nationale des compétences professionnelles attendues au niveau Licence, master, et doctorat. Chaque porteur de mention les définit lui-même. Cela produit non seulement une sorte d’hétérogénéité dans les formations. Cela peut conduire à une hyperspécialisation des parcours de formation et faire des psychologues spécialisés dans un domaine et partiellement ignorants des gestes professionnels de base. Il y a là le risque de rabattre la profession de psychologue du côté du psychotechnicien.

La vulnérabilité institutionnelle :

Ajouté à ce contexte général, je voudrais formuler quelques remarques qui de mon point de vue soulignent combien les psychologues sont en position de vulnérabilité institutionnelle.

Je suis frappé par le fait que, souvent, les psychologues doivent réexpliquer ce qu’est leur travail dans les institutions qui les emploient, comme si ça n’était pas compris et lorsque ça l’était (ou paraissait l’être) ça ne tenait pas dans le temps. Comme si au fond la nature du travail des cliniciens ne s’inscrivait nulle part dans l’institution.

Est-ce que cette non-inscription est inhérente à la nature même du travail du psychologue clinicien, auquel cas il doit porter cette croix en permanence (et la formation devrait en tenir compte parce que ce n’est pas facile de se sentir attaqué dans la légitimité de ses interventions et même de sa place).

Ou est-ce que cette non-inscription tient à autre chose : c’est un peu l’hypothèse que je formule. Il me semble que ce défaut d’inscription renvoie à deux choses :

    • à une sorte de négativité de l’identité dans l’institution.
    • A un amoindrissement des aspects performatifs de la parole des psychologues à un niveau institutionnel/administratif.

La négativité me semble à l’œuvre dans le fait qu’il semble plus facile au psychologue de dire ce qu’il ne fait pas ou n’est pas que de dire ce qu’il est ou fait. Elle est à l’œuvre également en ceci que, bien que le psychologue ait un statut de cadre, rien dans son positionnement institutionnel ne semble se référer à cela : ni la rémunération, ni l’autonomie clinique, ni la responsabilité institutionnelle. La négativité est encore à l’œuvre dans le fait que les cliniciens cultivent une sorte de position d’exception, une position non classable dans l’institution.

Cette négativité se retrouve aussi, me semble-t-il, dans la façon dont la profession essaie de défendre ses intérêts :

    • Notre profession a du mal à savoir trouver son unité quand c’est nécessaire pour défendre ses propres intérêts.
    • C’est probablement une faiblesse des sciences humaines dans leur ensemble si on les compare aux sciences de la nature : par exemple les physiciens, les biologistes savent mettre en parenthèse le narcissisme des petites différences quand des intérêts supérieurs sont en jeu.

Les aspects performatifs de la parole du psychologue au niveau institutionnel sont amoindris parce que notre profession ne parvient pas à franchir le cap de la mise en place d’une autorité de régulation de l’exercice professionnel et à se faire représenter par elle.

Les psychologues ont besoin, pour travailler dans les institutions, d’une certaine mise en sécurité psychique, et cette sécurité n’est pas toujours assurée par l’employeur. Nous devons la garantir nous-mêmes.

La vulnérabilité institutionnelle serait atténuée et l’identité professionnelle renforcée :

  • Si le code de déontologie était opposable sur le plan juridique.
  • Si la profession se dotait d’une instance (ordre ou haute autorité) qui représente la profession face aux pouvoirs publics et soit le garant du respect du code de déontologie.
  • Si on découplait les titres et diplômes du droit d’exercer : les diplômes sont attribués par l’université et de droit d’exercer serait une prérogative de cette instance (ce qui permettrait aux professionnels d’avoir un droit de regard sur les formations dispensées et d’en assurer l’homogénéité du point de vue des compétences attendues).

Est-ce que notre profession est parvenue à un degré de maturité suffisant pour se souder autour d’objectifs communs de cette sorte ? Je laisse la question ouverte.

L’identité professionnelle devrait se construire à partir de deux pôles :

  • Celui de la filiation (transmission)
  • Celui de l’affiliation (instance de référence professionnelle, haut conseil, etc.).

Comment différencier formation et transmission ? Ce n’est évidemment pas simple parce qu’il y a des zones de recouvrement entre les deux champs, mais disons que la formation est à la connaissance objectivée ce que la transmission serait au savoir subjectivable. La formation est davantage du côté de l’universitaire et la transmission davantage du côté du praticien référent de stage.

La formation, on voit assez bien ce à quoi ça renvoie : des contenus académiques, un état actualisé des connaissances nécessaires au sujet à former, des méthodes de travail, une évaluation de ce qui est supposé être compris ou maîtrisé.

La transmission, c’est plus compliqué à appréhender : la transmission est un transfert : d’ailleurs Ubertragung, en allemand c’est au sens premier : transmission. La transmission, c’est un transfert croisé, dans lequel quelque chose est mis en circulation entre le maître et l’élève. Entre le maître-formateur et l’élève transite une sorte de concentré d’expérience qui est attente de décompactage (ce serait ça le savoir subjectivable). Ce quelque chose qui se transfert, c’est à mon sens un héritage, c’est-à-dire quelque chose qui vient du passé et devient un passé commun, un passé qui fait communauté, un passé présentifié qui assure une filiation à celui qui le reçoit. Transmettre, c’est inscrire l’autre dans une filiation. La filiation c’est le versant diachronique de l’identité professionnelle.

Mais l’identité professionnelle a besoin aussi de son correspondant dans la réalité objective : c’est l’affiliation. L’affiliation c’est le versant synchronique de l’identité professionnelle. L’affiliation identitaire serait favorisée par l’existence d’une instance commune (haute autorité ou conseil de l’ordre) en ce qu’elle pourrait veiller aux intérêts et aux exigences de la profession et ainsi assurer à la génération à venir la protection nécessaire à l’exercice de la profession.

Former n’est pas transmettre

Malaise dans la construction identitaire des psychologues

Par Ludovic Gadeau

Evolution des logiques de fonctionnement à l’université et des incidences que cela a sur la formation des psychologues :

  • Depuis la loi Pécresse (Loi LRU de 2007), Le fonctionnement des universités a considérablement évolué :
    • Pour une meilleure lisibilité internationale, les établissements et les laboratoires doivent se regrouper en des ensembles de plus en plus gros. Ils sont mis en compétition pour obtenir des dotations de type Labex ou Idex qui assurent le fonctionnement des laboratoires. La principale source d’évaluation des laboratoires et des chercheurs, ce sont les publications.
    • Les enseignants-chercheurs sont évalués essentiellement à partir de leurs travaux de recherche et pas du tout à partir de leur investissement pédagogique. Et les travaux de recherches sont évalués à partir des revues dans lesquels ces travaux sont publiés. Il existe une liste référencée des revues dites à comité de lecture (il y en a 300 dont moins de 5% en langue française). Ces revues sont dans leur extrême majorité des revues anglo-saxonnes. Cela signifie que pour pouvoir publier dans ces revues, il faut accepter les standards de la recherche tels qu’ils sont prônés par ces revues. L’indice h (indice de Hirsch) est un calcul savant du nombre de citations et du nombre d’articles publiés. Plus l’indice est élevé et plus la valeur du chercheur est réputée grande. Mais cet indice ne dit pas si on est cité pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ce qui le rend en partie absurde… Tout cela conduit à devoir développer des stratégies pour « exister » et se rendre « visible »….
  • Il n’existe aucun statut prévu pour les enseignants-chercheurs psychologues praticiens. Cela signifie que de nombreux enseignants en clinique n’ont aucune pratique ou alors ont cessé le contact avec le terrain (autrement que par la recherche) à leur entrée dans la fonction d’enseignant-chercheur.
  • Disparition progressive de la psychanalyse à l’université : aujourd’hui sur les 35 universités françaises, seulement 12 ont un laboratoire de recherche où la psychanalyse est la théorie de référence (Aix-Marseille, Lille 3, Lyon 2, Montpellier 3 Paris 5, 7, 8, 10 et 13), Rennes 2, Strasbourg, Toulouse 2).
  • En 2016-17 : délivrance au plan national de 4967 diplômes de psychologie dont 2366 en clinique (il y avait en 2000 1595 places de master 2 clinique). Au niveau local, en clinique : dépt 73 = 85 ; dépt 38 = 85 ; dépt 69 = 175+30 sans compter les masters recherche (en santé, intervention, etc = 110. Total en clinique sur la région = 400. Se pose la question de l’insertion professionnelle des étudiants en raison de la faible adéquation entre le nombre de diplômés et le nombre d’emplois existants. Il n’y a aucune instance nationale qui vienne réguler le nombre de diplômés au regard du marché de l’emploi.
  • Avec la réforme LMD, sans qu’on en parle beaucoup, la valeur symbolique de la formation des psychologues s’est artificiellement dégradée depuis la mise en place de l’harmonisation européenne des diplômes. Jusqu’en 2002, le diplôme de psychologue était de niveau 3ème cycle. Depuis, il est devenu un diplôme de 2ème cycle.
  • Il n’y a pas de définition nationale des compétences professionnelles attendues au niveau Licence, master, et doctorat. Chaque porteur de mention les définit lui-même. Cela produit non seulement une sorte d’hétérogénéité dans les formations. Cela peut conduire à une hyperspécialisation des parcours de formation et faire des psychologues spécialisés dans un domaine et partiellement ignorants des gestes professionnels de base. Il y a là le risque de rabattre la profession de psychologue du côté du psychotechnicien.

La vulnérabilité institutionnelle :

Ajouté à ce contexte général, je voudrais formuler quelques remarques qui de mon point de vue soulignent combien les psychologues sont en position de vulnérabilité institutionnelle.

Je suis frappé par le fait que, souvent, les psychologues doivent réexpliquer ce qu’est leur travail dans les institutions qui les emploient, comme si ça n’était pas compris et lorsque ça l’était (ou paraissait l’être) ça ne tenait pas dans le temps. Comme si au fond la nature du travail des cliniciens ne s’inscrivait nulle part dans l’institution.

Est-ce que cette non-inscription est inhérente à la nature même du travail du psychologue clinicien, auquel cas il doit porter cette croix en permanence (et la formation devrait en tenir compte parce que ce n’est pas facile de se sentir attaqué dans la légitimité de ses interventions et même de sa place).

Ou est-ce que cette non-inscription tient à autre chose : c’est un peu l’hypothèse que je formule. Il me semble que ce défaut d’inscription renvoie à deux choses :

    • à une sorte de négativité de l’identité dans l’institution.
    • A un amoindrissement des aspects performatifs de la parole des psychologues à un niveau institutionnel/administratif.

La négativité me semble à l’œuvre dans le fait qu’il semble plus facile au psychologue de dire ce qu’il ne fait pas ou n’est pas que de dire ce qu’il est ou fait. Elle est à l’œuvre également en ceci que, bien que le psychologue ait un statut de cadre, rien dans son positionnement institutionnel ne semble se référer à cela : ni la rémunération, ni l’autonomie clinique, ni la responsabilité institutionnelle. La négativité est encore à l’œuvre dans le fait que les cliniciens cultivent une sorte de position d’exception, une position non classable dans l’institution.

Cette négativité se retrouve aussi, me semble-t-il, dans la façon dont la profession essaie de défendre ses intérêts :

    • Notre profession a du mal à savoir trouver son unité quand c’est nécessaire pour défendre ses propres intérêts.
    • C’est probablement une faiblesse des sciences humaines dans leur ensemble si on les compare aux sciences de la nature : par exemple les physiciens, les biologistes savent mettre en parenthèse le narcissisme des petites différences quand des intérêts supérieurs sont en jeu.

Les aspects performatifs de la parole du psychologue au niveau institutionnel sont amoindris parce que notre profession ne parvient pas à franchir le cap de la mise en place d’une autorité de régulation de l’exercice professionnel et à se faire représenter par elle.

Les psychologues ont besoin, pour travailler dans les institutions, d’une certaine mise en sécurité psychique, et cette sécurité n’est pas toujours assurée par l’employeur. Nous devons la garantir nous-mêmes.

La vulnérabilité institutionnelle serait atténuée et l’identité professionnelle renforcée :

  • Si le code de déontologie était opposable sur le plan juridique.
  • Si la profession se dotait d’une instance (ordre ou haute autorité) qui représente la profession face aux pouvoirs publics et soit le garant du respect du code de déontologie.
  • Si on découplait les titres et diplômes du droit d’exercer : les diplômes sont attribués par l’université et de droit d’exercer serait une prérogative de cette instance (ce qui permettrait aux professionnels d’avoir un droit de regard sur les formations dispensées et d’en assurer l’homogénéité du point de vue des compétences attendues).

Est-ce que notre profession est parvenue à un degré de maturité suffisant pour se souder autour d’objectifs communs de cette sorte ? Je laisse la question ouverte.

L’identité professionnelle devrait se construire à partir de deux pôles :

  • Celui de la filiation (transmission)
  • Celui de l’affiliation (instance de référence professionnelle, haut conseil, etc.).

Comment différencier formation et transmission ? Ce n’est évidemment pas simple parce qu’il y a des zones de recouvrement entre les deux champs, mais disons que la formation est à la connaissance objectivée ce que la transmission serait au savoir subjectivable. La formation est davantage du côté de l’universitaire et la transmission davantage du côté du praticien référent de stage.

La formation, on voit assez bien ce à quoi ça renvoie : des contenus académiques, un état actualisé des connaissances nécessaires au sujet à former, des méthodes de travail, une évaluation de ce qui est supposé être compris ou maîtrisé.

La transmission, c’est plus compliqué à appréhender : la transmission est un transfert : d’ailleurs Ubertragung, en allemand c’est au sens premier : transmission. La transmission, c’est un transfert croisé, dans lequel quelque chose est mis en circulation entre le maître et l’élève. Entre le maître-formateur et l’élève transite une sorte de concentré d’expérience qui est attente de décompactage (ce serait ça le savoir subjectivable). Ce quelque chose qui se transfert, c’est à mon sens un héritage, c’est-à-dire quelque chose qui vient du passé et devient un passé commun, un passé qui fait communauté, un passé présentifié qui assure une filiation à celui qui le reçoit. Transmettre, c’est inscrire l’autre dans une filiation. La filiation c’est le versant diachronique de l’identité professionnelle.

Mais l’identité professionnelle a besoin aussi de son correspondant dans la réalité objective : c’est l’affiliation. L’affiliation c’est le versant synchronique de l’identité professionnelle. L’affiliation identitaire serait favorisée par l’existence d’une instance commune (haute autorité ou conseil de l’ordre) en ce qu’elle pourrait veiller aux intérêts et aux exigences de la profession et ainsi assurer à la génération à venir la protection nécessaire à l’exercice de la profession.

Grenoble, novembre 2016

Ludovic Gadeau

Les Journées Annuelles des Psychologues, de 2007 à 2015

     Depuis 2007, le Collège des Psychologues Cliniciens de l’Isère, en association avec le Collège des Psychologues du Centre Hospitalier Alpes Isère, organisent la journée annuelle des psychologues, chaque 3ème vendredi de novembre.

Cette journée, s’organisant autour d’interventions en salle plénière, puis d’échanges en groupes restreints, permet d’aborder des thèmes transversaux dans un cadre de réflexion, de partage d’expériences.

2015 – Démarche de soin, demande d’expertise : quelles possibles complémentarités ? (argument ci-dessous)

2014 – La crise, une désorganisation féconde ?

2013 – Quelle place pour le travail psychique dans les équipes et les institutions ?

2012 – La polyphonie des approches cliniques peut-elle avoir un sens ?

2011 – Incidences des mutations sociétales sur les pratiques des psychologues

2010 – Les soins sous contraintes

2009 – Neurosciences et vie psychique

2008 – Quelles conceptions cliniques ?

2007 – Évolution de la place des psychologues au sein des institutions

C’était en 2015 :

Démarche de soin, demande d’expertise : Quelles possibles complémentarités ?

     Évaluations systématiques, bilans standardisés, expertises spécialisées centrées sur une pathologie, s’inscrivent de plus en plus dans nos pratiques. Des terminologies nouvelles : troubles bipolaires, troubles envahissants du développement ou troubles du spectre autistique s’imposent : sont-elles un éclairage novateur ? De quelles significations sont-elles porteuses ? Ces classifications issues du DSM peuvent entraîner une conception réductionniste des pathologies dont souffrent les patients que l’on rencontre. Que disent-elles alors de la signification du symptôme, de la singularité de l’individu ?

     Si le diagnostic rassemble, identifie un ensemble de ressentis, de troubles et donne un contour aux difficultés rencontrées, il convient néanmoins d’en interroger l’usage. Ce diagnostic est aujourd’hui plus fréquemment demandé par les patients et leur entourage. Peut-il être quelquefois vécu comme une sanction ? Vient-il clore un questionnement ou confronter à l’angoisse ? Pourrait-il aussi constituer le vecteur d’une réflexion, d’une nouvelle compréhension ? Le temps de la clinique est-il préservé de cette logique évaluative ?

     Dans cette démarche d’expertise, dans ce processus d’évaluation, il nous revient peut-être à nous psychologues de faire du(des) diagnostic(s) un support pour le soin et non une fin en soi. Nous interrogerons donc lors de cette journée, les conditions d’une mise en cohérence de l’expertise et de la dynamique de soins psychiques. Et plus encore, plutôt qu’y répondre du côté de normes pré-établies, l’évaluation peut conduire à des questions qui servent une pratique clinique mouvante et dynamique.

Le CPCI en 2015, par Thibaud Courvoisier

L’assemblée générale de janvier 2016 a permis de faire le bilan de l’année 2015 en rendant compte de son activité, mais aussi en retraçant les personnes ayant fait vivre le collège.

 

ATELIER

Nous proposons donc des ateliers. Il s’agit d’un temps de témoignage, de réflexions, d’échanges sur nos pratiques et non pas d’échanges de savoirs théoriques : l’idée n’est pas tant d’offrir des réponses, et de dire ce qu’il faut faire, que de réfléchir ensemble sur ce que l’on fait, et partager nos interrogations, nos impasses ou nos difficultés, mais aussi nos réjouissances et nos plaisirs ; finalement créer des espaces d’échange clinique et de réflexions partagées.

Ceci est particulièrement important car il nous semble que les psychologues de la région ont suffisamment de lieux dans lesquels poursuivre leur formation continue (soirée de travail, conférence, etc) quand  ils manquent d’avantage de lieux pour se rencontrer, et pour se rencontrer dans un cadre chaleureux.

  • 18 mars 2015 : « la réhabilitation psycho-sociale : la place du sujet et la place du psychologue »
  • 20 mai 2015 : « coaching, interventions à domicile : air du temps – outil novateurs ? »
  • 4 novembre 2015 : les dispositifs de soins auprès des sportifs, de la relation du sportif à son corps, … avec deux de nos collègues sur leurs pratiques auprès de sportifs et de patients douloureux chroniques. 

 

CONFERENCE

Autre activité, une conférence annuelle, à destination du grand public : nos conférences  visent à donner une meilleure visibilité de notre profession et de ses principes éthiques au public et aux partenaires du champ médico social.

5 mai 2015 : « Pourquoi tant de haine aujourd’hui ? » avec Albert Ciccone

 

COLLABORATION AVEC L’UNIVERSITE

Le CPCI n’a pas été représenté cette année dans le groupe  « praticiens- enseignants », mais l’engagement est pris pour cette nouvelle année, et le CPCI participe de loin en relayant par exemple les appels à candidature pour le forum des métiers : notre association s’est donnée les outils nécessaires  (liste de contacts, site) pour tenir au courant et mobiliser des collègues parfois éloignés de l’information.

 

HAPPY HOURS

 

JOURNEE DES PSYCHOLOGUES

En 2015, la thématique a été

« Démarche de soin, demande d’expertise, quelles complémentarités »

 

 

Je vais parler de la manière dont j’ai ressenti les quelques mutations qui se jouèrent au sein du CPCI durant les 3 années de mon exercice.

Sans doute le terme de mutation est-il un peu fort, peut-être d’ailleurs changeons nous seulement alors qu’il nous faudrait muter. Une mutation est selon le Larousse, dans son acception générale : un changement radical, une conversion, une évolution profonde.

Dans le registre plus spécifique de la génétique, la mutation désigne une apparition brusque, dans tout ou partie des cellules d’un être vivant, d’un changement dans la structure de certains gènes, transmis aux générations suivantes si les gamètes sont affectées.

Je partirai de cette définition qui met davantage l’accent sur ce qui constitue la radicalité du changement, quelque chose qui touche à la structure même de l’objet qui mute, et quelque chose qui à voir avec la question de la transmission.

Cette question de la transmission sans doute est-elle fondamentale, parce qu’elle l’est toujours dès qu’on parle de psychisme et finalement une association c’est bien une association de psychisme, mais aussi, et surtout parce que toute institution est portée par l’esprit de ceux qui la portèrent avant.

Sans aller jusqu’à l’essai d’excavation des mythes fondateur du CPCI, je nous invite tous à faire le constat d’un certain changement dans le mode de gouvernance du CPCI durant ces trois dernières années

En effet, Michèle Mauris, représentait une figure importante du CPCI, par ses idées, par son énergie et sa capacité à donner beaucoup quand ça lui semblait nécessaire. Elle réalisait beaucoup des tâches qui incombaient à chacun, et j’ai pu souvent par une boutade qui l’agaçait fortement, interroger son dévouement… Aussi peut catho qu’elle était (et qu’elle doit toujours être je doute de la convention récente) l’idée qu’elle se sacrifiait ne lui plaisait guère. Pour lui faire justice je dirais simplement qu’elle avait une grande énergie, et que celle-ci partie, il a bien fallu la remplacer.

J’ai en effet annoncé en prenant la présidence que je ne pourrais m’inscrire dans la même lignée, parce que ça n’est pas mon caractère, parce que je n’ai sans doute pas la même énergie…

Alors le changement a commencé, et on a pu observer au sein de notre association une nouvelle répartition des tâches. Mon premier rapport d’activité contenait un terme qui a pu faire rire, celui de « forces vives ».  Une fois Michèle partie, est apparu ce que son investissement nous masquait : une notoire charge de travail qu’il fallait bien se répartir, se répartir pour partager l’effort et continuer, mais se repartir pour re-partir vers de nouveaux horizons. On ne peut penser la motivation et la capacité à se contraindre sans un certain désir qui le porterait…

Sans doute sommes-nous tous un peu fatigués, mais j’y vois plus une marque d’acuité qu’une dépressivité larvée. Je crois que chacun prend la mesure des investissements et que chacun se positionne sincèrement dans sa capacité à les tenir. Les quelques démissions du jour en sont la preuve.

Et le changement s’est poursuivi, Anne a été l’artisan de notre nouvelle communication, car oui on s’est donné aussi le droit de « marketer » le CPCI, ou à tout le moins, de réfléchir à nos outils de communication, et de faire le constat que l’on renvoyait peut être une image qui n’était plus celle que nous souhaitions. Alors le changement s’est poursuivi, est nous sommes devenu un peu moins austères (quoi qu’on ne l’était pas non plus excessivement), et on a pris l’apéro ! De nouvelles personnes nous ont rejoints, Noëlle, qui prend maintenant la succession de Jean-Luc, un poste de trésorerie, qu’on ne peut, je doute, prendre par plaisir, mais par souci de maintenir l’existant. Car si chacun prend un bout d’une tache pas très enviable, la tâche en devient finalement moins dur. Question de répartition d’effort…. de solidarité peut être ?

Changement également dans le souci de s’ouvrir à d’autres approches, de ne pas rester dans un unique référentiel psycho-dynamique, mais rencontrer d’autres formes de pensée, qui, si elles déroutent, et nous bousculent parfois, ont le mérite de nous éviter de rentrer dans un ronflant même et identique.

Si j’avais un désir pour le CPCI, ça serait celui-là : qu’il continue d’être cet espace ou des professionnelles peuvent se rencontrer, quand bien même ils ne partagent pas toujours les mêmes vues, pour échanger, et mieux se comprendre, et d’arrêter de faire à l’autre une gueule que l’on n’aimerait pas que l’on nous fasse !

Je ne sais plus qui a dit un jour que la réputation est la somme des malentendus cumulés sur une personne, mais je crois que c’est éminemment juste, et pas que pour les personnes, mais aussi pour les associations, les approches thérapeutiques, etc…

En ces temps qu’on peut trouver troubles, ou sans doute la figure de l’autre étranger et pourvoyeuses de multiples fantasmes, ou est fort présente la tentation de nous replier plus encore sur nous-même, s’assurant du même coup de ne rien rencontrer qui puisse nous bousculer, en ces temps donc, peut être est-il fondamental de marcher en crabe et de faire des pas de coté !

Il me semble que le CPCI a tout à fait sa place et figure minimalement cet espace d’échange ! Et que cette belle association manquerait très largement au paysage psychologique Grenoblois !

Seulement, et à l’image de bien des états de faits actuels, on ne survivra qu’à muter ! C’est à dire a changer radicalement dans notre structure, et dans quelque chose quoi soit transmit !

Et si beaucoup de gens se sentent mal dans leur peau, parce que ce n’est pas la leur, c’est que la encore il faut muter, pour que le CPCI trouve sa forme, celle dans laquelle un grand nombre pourra se sentir bien.

Thibaud Courvoisier, Président,

le 27 janvier 2016